Cours de licence de droit :
droit de la famille

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Titre 1 : Le couple marié


Portalis en 1804 définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée ».
Idée du mariage in extremis: on admet le mariage de vieillards, de mourants, dans lequel le but de procréation est évidemment absent. Il est difficile en définitive de définir le mariage. C’est à la fois une situation juridique qui va avoir des effets juridiques, c’est un statut juridique, avec des conséquences fiscales et juridiques, mais c’est aussi une dimension affective, morale qui caractérise le droit de la famille.
Il est habituel de le définir comme un « acte juridique solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont la loi civile règle impérativement les conditions, les effets, et la dissolution ».

Le mariage présente donc trois caractères : un caractère personnel (1), en ce sens qu’il s’agit d’une union personnelle entre deux personnes et non d’une union familiale (les familles n’interviennent pas, en principe, dans la décision du mariage), il revêt aussi un caractère d’interdiction du principe de la représentation : permettre à quelqu’un de nous représenter dans la conclusion d’une convention (on ne peut pas se marier pour quelqu’un d’autre), et c’est un mariage civil, se distinguant du caractère religieux. C’est un acte civil (2) et laïc dans la mesure où la loi ne considère pas valide un mariage simplement religieux. De plus, un ministre du culte quelconque ne peut célébrer un mariage s’il ne reçoit pas confirmation d’un mariage civil préalable (article 433-31 C. pénal.) Le mariage religieux n’est donc pas imposé. Se pose la question dans certains cas de divorce : absence de mariage religieux peut éventuellement être invoquée comme moyen lors d’une demande de divorce pour faute. Le mariage revêt enfin un caractère solennel (3.) Il doit nécessairement être célébré par un officier public en revêtant quelques solennités : notamment intervention de l’officier d’état civil.
Un acte consensuel est l’acte qui va produire des effets par le simple échange des consentements, indépendamment de toutes solennités, on parle donc du mariage comme d’un acte solennel, acte produisant des effets que dans le cas où les parties rempliraient certaines solennités particulières énoncées par la loi.

Se pose alors la question de savoir si le mariage est un simple contrat ou s’il s’agit d’une institution. Dans la tradition du droit canonique c’est un contrat, né de l’échange des consentements. La notion de volonté était juridiquement au cœur de la question du mariage. L’article 146 du code civil semble aller dans cette direction, en mettant l’accent sur le consentement des époux :
« Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement ».
À partir du moment où les époux ont décidé de se marier, ils ne peuvent aller librement, c’est la loi qui va diriger leur action. Tandis que dans le cas d’un contrat classique les termes du contrat sont relativement libres. On ne peut donc considérer le mariage comme un simple contrat civil. Il a un aspect contractuel, mais aussi institutionnel car la loi impose tout un régime à l’encontre duquel la volonté des époux ne peut aller.

On pourrait donc dire que le mariage est un acte de volonté par lequel les parties adhèrent à une institution dont le statut a été préétabli par l’autorité publique.


Chapitre 1 : L’avant mariage


On va donc étudier la valeur juridique des fiançailles. Dès lors qu’il y a rupture des fxiançailles se poseront certaines questions de droit.

Section 1 : la liberté du mariage


On parle aussi de liberté matrimoniale, il s’agit d’une liberté publique, garantie par l’État. On parle de liberté publique car l’État va garantir à chacun cette liberté de se marier. On ne parle pas de droit au mariage, car cela reviendrait à dire qu’on peut exiger de l’État qu’il nous permette le mariage. Cette liberté est consacrée en droit positif, mais aussi au niveau international. La Déclaration Universelle des droits de l’Homme en son article 16-1 dispose qu’ « à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. » De la même manière, l’article 12 de la CEDH dispose là encore qu’il est possible de se marier, selon les lois nationales concernant le droit de la famille. La liberté de se marier sous-entend donc aussi la liberté de ne pas se marier.

§1 – La liberté de se marier

Cela signifie deux choses. C’est une liberté de principe puisqu’en dehors de rares exceptions chacun est libre de se marier ou de se remarier. Aucune autorité administrative ou judiciaire ne peut priver une personne de se marier, seule la loi peut venir entraver cette liberté. Il n’existe pas, de la même manière, une peine en droit pénal qui viendrait empêcher le condamné de se marier. C’est une liberté d’ordre public, ce qui signifie qu’il s’agit d’une liberté placée au-dessus des volontés individuelles. C’est donc… une liberté impérative. On ne peut donc pas, par principe, renoncer à cette liberté de mariage. Il existe ce qu’on appelle les clauses de célibat qui pourraient être insérées dans un contrat ou dans un testament, qui en principe sont nulles.
On peut trouver dans des testaments des clauses de célibat, ce qui veut dire que l’auteur du testament subordonne le legs à la condition que le bénéficiaire ne se marie pas.
La jurisprudence fait une distinction selon que la clause affecte une libéralité (acte à titre gratuit : prestation offerte sans contrepartie, idée de donation) ou au contraire un contrat « à titre onéreux » (contrat synallagmatique, ou les parties sont toutes obligées), comme le contrat de travail.
L’idée de la jurisprudence est que lorsque la clause de célibat affecte une donation, cela renverse le principe de la liberté patrimoniale, et elle considère que ces clauses sont tolérées, sauf exceptions. Ces clauses peuvent devenir illicites si ses justifications sont mauvaises : race, jalousie etc.
En termes de contrats, la clause est toujours en principe illicite. En 1963 il avait été décidé que les clauses de célibat dans un contrat d’hôtesses de l’air étaient illicites.
Autre illustration : Clause de célibat (clause de viduité) validée dans un contrat de travail. Cour de Cassation du 19 mai 1978. Une femme travaillait dans un établissement scolaire religieux, licenciée car divorcée puis remariée. La Cour a considéré que des circonstances exceptionnelles pouvaient justifier la validité d’une clause de célibat, ici le caractère confessionnel de l’établissement semblait pouvoir justifier cette validité. « Il faut que l’on soit dans des hypothèses où les nécessités des fonctions l’exigent impérieusement ».

§2 – La liberté de ne pas se marier

Cette liberté est contenue dans le fait que le mariage forcé est prohibé. Tant qu’on n’est pas marié on peut choisir de ne pas se marier : les fiançailles n’ont donc potentiellement aucune force obligatoire quant au fait de se marier. La rupture des fiançailles ne peut donc pas en elle-même être condamnée.
Cependant, la jurisprudence autorise des restrictions indirectes au fait de ne pas se marier. Il peut exister des clauses contractuelles qui vont restreindre cette liberté de ne pas se marier, qui subordonnent l’attribution d’un avantage à la condition que le bénéficiaire se marie. On est donc dans la position inverse de la clause de célibat. A priori la jurisprudence ne considère pas ces clauses nulles, sauf dans certaines circonstances, notamment quand elles sont motivées par un motif répréhensible : racial etc.

Il existe aussi ce qu’on appelle les conventions de courtage matrimonial. Cette convention de courtage matrimonial permet, moyennant finances, à un courtier de s’entremettre afin de favoriser une rencontre entre deux personnes en vue d’un mariage. On s’interroge afin de savoir si par le biais de ces conventions il n’y aurait pas une atteinte à la liberté de ne pas se marier. La jurisprudence a eu le réflexe jusqu’en 1944 de considérer que ces conventions avaient une cause illicite pour cette raison. Dans un arrêt de 1944 la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence et a considéré que le courtage n’est pas nul en soi, puisqu’en réalité son objet n’est pas le mariage mais la rencontre, qui, le cas échéant, peut déboucher sur le mariage. Si en revanche cette convention devait donner lieu à des pressions ou à un dol afin de forcer le mariage, ce courtage serait considéré illicite, dans la mesure où cela porterait nettement atteinte à la liberté de ne pas se marier. De même, si le mode de rémunération peut exercer une pression sur les personnes, que cela pourrait être utilisé afin de démontrer le caractère illicite de la convention.
Une loi de 1989 est venue réglementer le courtage, une loi relevant du droit de la consommation et non de mariage : droit de rétractation, clauses illicites etc. Les personnes qui adhèrent à cette convention bénéficient donc du régime de protection des consommateurs.


Section 2 : Les effets des fiançailles


« Les fiançailles sont faites pour être rompues ».
En 1838, la Cour de Cassation a décidé que « toute promesse de mariage est nulle en soi, comme portant atteinte à la liberté illimitée qui doit exister dans le mariage. » Il n’y a pas d’engagement juridique qui découlerait des fiançailles.
Les fiançailles sont donc un simple fait juridique (rappelons ici qu’un fait juridique se prouve par tout moyen), l’idée étant que cette situation va produire certains effets juridiques, sans pour autant qu’au départ il y ait nécessairement un accord de volonté (quoi qu’en ce qui concerne les fiançailles il y ait un accord, mais pas de contrat en définitive.) Le régime de ce fait juridique va donc entraîner un certain nombre de conséquences. La preuve est libre, et pourra être apportée par tout moyen.

§1 – Rupture et responsabilité

A priori, le fait même de la rupture ne devrait pas entraîner de conséquences juridiques. La rupture n’est donc en elle-même pas une faute, puisqu’elle constitue l’exercice de la liberté matrimoniale déclinée en liberté de ne pas se marier.
Cependant, ce principe connaît une limite qui est l’abus du droit de rompre. Cela signifie que quand cet abus est caractérisé, la responsabilité civile de l’auteur de la rupture pourra être engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil posant le principe de la responsabilité civile délictuelle.
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Il va donc falloir la réunion de plusieurs éléments : faute, préjudice et lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Ce qui peut conduire à une telle constatation :
D’après la jurisprudence cette faute réside dans la manière de rompre et dans les motifs de la rupture.
- Manière de rompre : Il y aura faute si la rupture est jugée incorrecte, injurieuse, ou si elle est tardive. S’agissant de la tardiveté, on se rend compte que plus la rupture est proche de la date prévue du mariage, plus les tribunaux ont tendance à reconnaître la faute.
- Motifs de la rupture : Ils peuvent être constitutifs d’une faute lorsqu’on considère qu’ils sont illégitimes. C'est-à-dire que quand la rupture est inspirée par des considérations de fortune, de milieu social, de race, alors on pourra considérer que la rupture est fautive. De la même manière, rompre les fiançailles en prétextant une réprobation familiale générale, pourra être considéré comme constitutif d’une faute. Enfin, rompre des fiançailles à l’annonce de la grossesse ne pourra pas être considéré comme un motif légitime de rupture.

On peut donc voir que cette jurisprudence pose un problème de preuve évident. Il faut ainsi être apte à distinguer entre la rupture pour manque d’amour, et la rupture illégitime qui pourrait éventuellement être considérée comme fautive. De plus, est-ce que finalement cette jurisprudence ne constitue pas elle-même une atteinte trop importante à la liberté matrimoniale… ?
En droit commun, lorsqu’on demande l’exécution d’une action, on doit prouver ce qui fonde cette allégation (cf. Article 1315 C.civ.)

Certains arrêts ont inversé la charge de la preuve, en demandant à l’auteur supposé de la faute de prouver que la rupture n’est pas fautive. En renversant cette charge de la preuve, c’est comme si l’on renversait le principe, et que l’on disait que la rupture est fautive…
Dans un arrêt du 4 janvier 1995, on a pu constater une tendance au recul en la matière, dans la mesure où la Cour de Cassation a cassé un arrêt d’appel qui avait déduit cette responsabilité de la seule absence de dialogue préalable. La Cour de Cassation a considéré qu’il appartient bien au demandeur qui allègue une prétention d’en prouver le fondement.
De surcroît : période de libéralisation du divorce, retenir comme fautif quelque motif que ce soit dans la justification d’une rupture semblerait assez incohérent.

Notons qu’il faut encore pouvoir établir un préjudice :
- Moral. Blessure morale, désarroi.
- Matériel. Être indemnisé pour les pertes occasionnées par l’annulation du mariage (action de in rem verso peut être engagée en matière de quasi contrat : enrichissement sans cause).
Ce préjudice sera accru en cas de grossesse, si la fiancée délaissée est enceinte ou si elle vient d’avoir un enfant (mère célibataire.) La nature du préjudice influe sur le montant de la réparation. Ici, plus le préjudice est important, plus cela pourra aussi influer sur la caractérisation de la faute (inversion des principes régissant la responsabilité civile en quelque sorte).
Pour autant, l’existence de cette seule circonstance ne suffit pas pour justifier pleinement la condamnation en paiement de dommages et intérêts.

*Arrêt de la Cour de Cassation du 28 avril 1993 : Rejet d’un pourvoi contre un arrêt qui avait refusé la demande de dommages et intérêts d’une femme qui avait eu une liaison avec un homme marié et qui avait été terminée de la part de cet homme, peu avant la naissance d’un enfant issu de cette union. Cela n’avait donc pas justifié la demande de dommages et intérêts, les juges ayant retenus les motifs selon lesquels l’homme marié n’avait jamais caché sa volonté de rester avec sa femme.

§2 – La restitution éventuelle des cadeaux

Il arrive que des ex fiancés souhaitent remettre en cause les cadeaux qu’ils ont pu s’offrir durant la période de fiançailles, la question de leur restitution peut donc se poser juridiquement. Elle s’est surtout posée lorsque le cadeau offert est un bijou de famille. On distingue alors plusieurs catégories.

- Présents d’usage : Ce sont des présents d’une valeur pécuniaire insignifiante au regard du train de vie et des habitudes du donateur. Ces présents sont considérés comme définitivement acquis à la personne à qui on les a offerts, et ne peuvent donc pas être restitués après la rupture, quels qu’en soient les motifs.
- Les donations faites en faveur du mariage. Elles sont considérées comme étant restituées dans le cas où le mariage ne s’en suivrait pas. Il faut bien sur considérer que ces présents aient une valeur supérieure à celle des simples présents d’usage.
Article 1088 C. civil : « Toute donation faite en faveur du mariage sera caduque, si le mariage ne s'ensuit pas ».
Parfois, d’après certaines interprétations jurisprudentielles, ces cadeaux peuvent être conservés, à l’inverse de ce que dit l’article 1088, comme une sorte de compensation lorsque la rupture provient d’une faute du donateur.
- La bague de fiançailles. Elle obéit à un sort particulier. Traditionnellement on a considéré qu’elle devait être régie par l’article 1088, on a donc imposé sa restitution lorsque le mariage ne s’en suivait pas. La jurisprudence récente a néanmoins souvent assimilé cette bague à un présent d’usage, dont le principe est donc la non-restitution.
- Les bijoux de famille. Qu’il se fut agit d’une bague ou de tout autre bijou, ils doivent être restitués quelles que soient les circonstances de la rupture, quand bien même serait-elle fautive.

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