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En droit civil, l’évolution qui peut être constatée est marquée par le désir de favoriser le mariage, c'est-à-dire en en assouplissant les exigences légales. Les conditions de formation du mariage ne sont pas excessivement contraignantes.
Toutes ces conditions ne seront pas sanctionnées de la même manière, dans certains cas il y aura nullité relative du mariage, dans d’autres une nullité absolue.
§1 – Les conditions d’ordre physiologique : aptitude physique des futurs époux à se marier
L’un des buts concrets du mariage est la procréation. Cependant, on admet le mariage in extremis, ce qui démontre que ce but n’est pas le seul. Un certain nombre de conditions relatives à l’aptitude physique doivent être envisagées : sexe, âge, santé des époux.
A – Le sexe des époux
En 1804 le Code civil ne prévoyait pas explicitement la condition de différence de sexes car cela allait de soi. Cette condition se déduit très clairement de l’article 144 du code civil qui réglemente l’âge des époux en faisant référence à l’homme et à la femme.
Article 144 : « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».
1 – Le mariage homosexuel
Ce mariage n’est pas admis en France. Cependant, une tendance se dessine aujourd’hui à la libéralisation du mariage homosexuel : Pays-Bas (par deux lois du 21 décembre 2000, entrées en vigueur le 1er avril 2001), la Belgique (2003) et l’Espagne (2005.) Il ne faut bien entendu pas confondre ces législations avec celles permettant le partenariat entre deux personnes du même sexe (PACS depuis le 15 novembre 1999 en France, partenariat enregistré en Grande-Bretagne etc.)
Puisqu’en 1804 il n’a pas été jugé utile d’insérer une règle spécifiant le sexe des mariés. En 2003, le maire de Bègles a souhaité célébrer un tel mariage, annulé par le TGI de Bègles, la Cour d’appel de Bordeaux et enfin, la Cour de Cassation qui a rejeté ce pourvoi le 13 mars 2007. Il faut donc attendre soit une modification de la législation, soit une condamnation de la France par la cour européenne des droits de l’homme. Cependant, la CEDH a déjà été évoqué par ces époux homosexuels, mais devant les juridictions nationales cela n’a pas été reçu. Les voies de recours internes n’ont pas répondu favorablement à leur demande, l’affaire est maintenant portée devant la CEDH.
2 – Le mariage des transsexuels
Sur le plan des principes ce problème est important. Le transsexualisme est un symptôme médicalement reconnu. La notion de sexe est complexe. Sur le plan scientifique il est le produit d’éléments anatomiques, génétiques et psychologiques. Il arrive que ces éléments ne coïncident pas ou plus, et que l’élément psychologique du sexe ne corresponde pas avec les éléments anatomiques et génétiques. C’est ici le problème du transsexualisme.
Le transsexualisme peut être défini comme « le sentiment irrésistible est inéluctable d’appartenir à un sexe opposé à celui qui est génétiquement, anatomiquement, et juridiquement le sien avec le besoin prépondérant ou obsédant de changer d’anatomie et d’état » (civil.)
Sur le terrain juridique : les revendications des transsexuels se sont orientées vers une demande de changement d’état civil : changement de nom et de sexe.
La position de la jurisprudence française : Pendant dix-sept ans la Cour de Cassation a répondu par la négative à ces questions.
Quatre arrêts du 21 mai 1990 : affirmation du fait que le transsexualisme ne peut être considéré juridiquement comme un véritable changement de sexe, même lorsqu’il est médicalement reconnu. Malgré cette formulation, avait été autorisé le changement de prénom, mais pas le changement de sexe.
Textes invoqués :
CEDH : article 8 invoqué (garantit le droit à la vie privée), article 12 (vise le droit de se marier, et à une vie familiale normale).
La cour européenne des droits de l’Homme avait d’abord été saisie par des ressortissants britanniques, et avait rendu un arrêt du 17 octobre 1986 relative à l’affaire Mark Rees, et avait refusé de condamner le droit positif du Royaume-Uni, avait donc considéré que le refus d’admettre le changement d’état civil d’un transsexuel n’était pas contraire à l’article 8 parce que les autorités britanniques refusaient le changement, mais admettaient la délivrance de documents officiels avec l’indication du sexe de leur choix. Dans la vie de tous les jours, l’atteinte à la vie privée était donc considérée comme non-réalisée. Dans le même arrêt elle a considéré que l’article 12 ne concernait que le mariage traditionnel entre deux personnes de sexe biologique différent.
Dans un arrêt du 25 mars 1992, la CEDH a condamné la France après les arrêts de la Cour de Cassation du 21 mai 1990, en estimant que cette jurisprudence violait l’article 8. Pourquoi cette évolution entre 1986 et 1992 ? Cela s’est fait car en France la fréquence de révélation du sexe par les documents officiels était très importante (carte de sécurité sociale etc.), ce qui, comme le changement du sexe sur les documents officiels autres qu’état civil n’était pas permis, constituait à l’égard des transsexuels une violation de l’article 8.
Cela a donc entraîné une modification de la jurisprudence française. La Cour de Cassation a donc modifié sa position, par un arrêt du 11 décembre 1992. En se fondant sur l’article 9 du code civil et sur l’article 8 de la CEDH, elle est venue admettre clairement le changement d’état civil des transsexuels, de manière à ce qu’il indique le sexe dont on a l’apparence. Il faut bien évidemment être en présence d’un transsexualisme médicalement constaté.
Enfin, dans l’arrêt Christine Goodwin du 11 juillet 2002 de la CEDH à l’encontre du Royaume-Uni, et a changé sa position de principe et impose désormais aux États parties à la CEDH de reconnaître juridiquement l’identité sexuelle des personnes, et plus particulièrement des transsexuels. A partir du moment où l’on accepte le changement de sexe à l’état civil, il va falloir envisager les questions de mariage et de filiation.
On se pose d’autant plus la question que quand la CEDH a tranché la question du changement d’état civil en 1992 et en 2002, elle n’a pas étudié les problèmes de mariage et de la filiation.
S’agissant du mariage, on va étudier la question du mariage, et celle du mariage préexistant. En ce qui concerne le « nouveau mariage », conclu après changement d’état civil, rien ne s’oppose à ce qu’une personne qui a obtenu ce changement de la mention du sexe sur l’acte d’état civil se marie avec une personne dont l’apparence et le sexe juridique seraient différents, mais dont le sexe anatomique serait éventuellement identique. En revanche, il faut imaginer que cela peut poser des problèmes relatifs au consentement : celui qui aurait épousé un transsexuel sans être au courant de son état. Cela pourrait être considéré comme une erreur : un vice de consentement.
S’agissant d’un mariage préexistant la question est différente. Les personnes mariées étaient de sexe différent, mais après changement de sexe on se retrouve avec un mariage homosexuel. Il n’y alors pas de nullité automatique du mariage dans la mesure où au moment où le mariage a été formé il n’y avait aucun défaut dans les conditions de sa formation. Un divorce sera en définitive tout à fait envisageable, notamment aujourd’hui avec la libéralisation du mariage.
Aujourd’hui, on ne peut donc vraisemblablement plus invoquer comme empêchement au mariage l’incapacité de procréation. En revanche, ces mêmes questions pourront être portées sur le terrain du consentement, s’il y a eu dissimulation en vue de produire le mariage.
B – L’âge des époux
Durant très longtemps cet âge était différent selon que la personne était un homme ou une femme : 15 ans pour les femmes, 18 ans pour les hommes.
Cet âge a été ramené à 18 ans par une loi du 4 avril 2006. Dorénavant, l’article 144 dispose que « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. » Cela avait notamment pour but d’éviter les mariages forcés.
Cette condition d’âge n’est pas liée à la majorité civile, mais à l’aptitude physiologique à se marier. Avant 2006, 15 ans pour les filles, avec consentement des parents avant la majorité.
Il faut savoir qu’un système de dispense est prévu à l’article 145, le mariage pouvant être autorisé avant 18 ans pour « motifs graves », le procureur de la République pouvant autoriser cette dispense d’âge. Il existe aujourd’hui près de 400 dispenses d’âge en France par an, notamment en cas de grossesse.
C – La santé des époux
Faut-il être en bonne santé pour se marier ?
Le droit français répond par la négative. Une réponse affirmative aurait pu être synonyme de dérives et d’atteintes portées à la vie privée. Aucune affection physique, aucune maladie, aussi grave soit elle, ne peut s’opposer au mariage de celui qui en souffre, à condition que cette personne puisse exprimer son consentement clairement et que le consentement de son conjoint ait été donné en connaissance de cause.
Il faut néanmoins savoir qu’une position préventive est adoptée. On tente d’appeler l’attention des époux sur les conditions de santé souhaitables avant de se marier. On exige ainsi un certificat médical avant le mariage : le certificat prénuptial (datant de moins de deux mois avant le mariage). Le contenu est bien entendu protégé par le secret médical, l’époux n’étant lié que par une pression morale quant à la divulgation des informations le concernant à son futur époux.
Ce certificat prénuptial est nécessaire car l’officier d’état civil doit être en sa possession avant de procéder aux solennités nécessaires (publication des bans etc.), avant de procéder au mariage.
On admet en droit positif le droit des mourants, mariage in extremis. Peut importe en définitive la santé et l’aptitude à procréation des futurs époux. On admet aussi le mariage posthume.
- Mariage in extremis. La seule condition est que le mourant soit en état de donner son consentement. Ce consentement doit être lucide et les formalités du mariage peuvent être adaptées puisque l’officier d’état civil peut se déplacer au domicile des mourants.
- Mariage posthume. Cette figure a été admise par une loi du 31 décembre 1959, et qui concerne le cas où l’un des époux avait déjà effectué les formalités nécessaires antérieures au mariage, mais décède avant la célébration du mariage. L’accomplissement de ces formalités marquait sans équivoque la volonté du défunt de se marier.
Cela est visé à l’article 171 du Code civil, et c’est au Président de la République de décider d’autoriser ce mariage, pour motifs graves là encore. Le Président va apprécier discrétionnairement la situation, aucun recours n’est donc envisageable après sa décision. Pour éviter que cela se transforme en une chasse aux successions, ce mariage n’entraîne aucun effet patrimonial : aucun droit dans la succession du défunt dans un mariage posthume.
En 1959 un intérêt juridique justifiait cela dans la mesure où cela permettait aux enfants légitimes d’exercer leurs droits relatifs à la succession. Aujourd’hui la distinction entre enfants légitimes et enfants naturels n’existe plus, cela semble donc être superflu en matière de succession de l’enfant.
§2 – Les conditions d’ordre psychologique : les conditions liées à la volonté des époux
La volonté des époux est une condition primordiale dans le déroulement du mariage. Il faut donc consentement personnel, libre et éclairé, afin de permettre le mariage ; cependant, ce seul consentement n’est pas toujours suffisant.
A – Le consentement
L’exigence de ce consentement est posée à l’article 146 du Code civil qui dispose «qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. » Il faut que le consentement existe et qu’il soit exempt de vices. Le consentement doit donc être intègre.
1 – L’existence du consentement
Les époux doivent échanger leurs consentements devant l’officier d’état civil. Les témoins doivent pouvoir témoigner du bon échange des consentements. Il peut y avoir un défaut dans le consentement : il faut donc chercher à savoir si la volonté exprimée par les époux correspond à leur volonté réelle. Ce consentement est-il conscient et sérieux ?
a) La question du consentement conscient
Celui qui a donné son consentement était-il en pleine possession de ses moyens ? Cela recouvre des cas extrêmes : démence, etc. Mais on peut aussi imaginer une privation temporaire de l’usage de la raison : emprise de la drogue ou de l’alcool. La question des troubles mentaux est intéressante. Est-ce que l’incapacité de consentir signifie l’interdiction du mariage aux aliénés mentaux ? Il faut distinguer selon la situation.
- Personne malade. La personne atteinte de troubles mentaux et n’étant pas représentée ne peut être autorisée par un tiers. Dès lors les règles de droit civil devraient être appliquées. La jurisprudence a dit que l’incapacité à consentir dans ce cas ne pouvait être déclinée en incapacité à mariage. Elle a dit qu’il fallait exiger la preuve de l’inconscience de la personne atteinte de troubles mentaux au moment du consentement. On a parlé de jurisprudence des intervalles lucides. Le mariage ne peut être annulé si le consentement a été donné dans un intervalle lucide. Sur le plan de la preuve cela peut être difficile à prouver. Se pose la question de la charge de la preuve en matière de lucidité au moment du consentement. Sur ce point la réponse de la jurisprudence n’est pas claire, elle a traditionnellement admis que l’intervalle lucide devait être présumé.
Exemple : Arrêt de la 1re chambre civile du 2 décembre 1992 : Les membres de la famille d’une personne demandaient la nullité de son mariage pour absence de consentement, et qui soutenaient à l’appui de leurs prétentions que l’intéressé souffrait depuis sa naissance d’un certain infantilisme cérébral. Ils produirent un certificat médical pour cela, mais le chef de service d’un hôpital qui connaissait le patient établit que l’intéressé était lucide au moment du mariage. La Cour avait donc rejeté cette demande d’annulation car la famille ne prouvait pas qu’au moment du mariage, l’état de l’intéressé l’empêchait d’exprimer sa volonté.
- Personne soumise à un statut protecteur particulier. La personne est déclarée comme juridiquement incapable. Cela implique qu’elle sera parfois assistée ou représentée pour les actes de sa vie quotidienne. La personne qui est censée représenter la personne incapable pourra donner son autorisation.
Notons qu’on trouve bien entendu des arrêts contraires. Dans un arrêt de la Cour de Cassation du 28 mai 1980 une position contraire était admise, le mariage fut annulé pour insanité d’esprit constatée par observation de l’état habituel du vieillard. On a donc renversé la charge de la preuve.
Il faut néanmoins privilégier la première solution dans la mesure où la liberté du mariage est une liberté fondamentale et qu’elle doit être protégée.
La loi du 5 mars 2007, nouvel article 414 al. 1 C. civil (entrera en vigueur en 2009) avait réformé le droit des incapacités et consacre cette solution de l’intervalle lucide. Le majeur incapable ne fait bien sur ici l’objet d’aucune mesure particulière. On fait peser la charge de la preuve du trouble mental, et de l’absence de consentement, sur celui qui demande l’annulation du mariage.
b) Le consentement doit être sérieux
Problème des mariages fictifs, simulés, blancs. On entend par « consentement sérieux », que ce consentement est l’affirmation des époux de vivre une vraie vie conjugale, mais aussi d’assumer toutes les conséquences personnelles ou matrimoniales que ce consentement engendre. Il arrive que certaines personnes n’aient pas de véritable volonté de se marier, mais entrent dans les liens du mariage dans le but d’obtenir l’un ou tous les avantages liés au mariage (obtention d’un permis de séjour etc.)
La loi du 24 juillet 2006, loi « Sarkozy II » relative à l’immigration et l’intégration, tente de rendre moins attractif le mariage d’un étranger et d’un français. Dorénavant l’article 21-2 du Code civil dispose que l’étranger ou l’apatride qui contracte un mariage avec un conjoint de nationalité française pourra, à l’expiration de quatre ans à compter du mariage, obtenir la nationalité française. On doit pouvoir constater de l’effectivité d’une communauté de vie matérielle. La délivrance d’un titre de séjour pour le conjoint d’un français n’est plus octroyée de plein droit.
Les mariages sans intention matrimoniale doivent-ils être considérés comme nuls ?
La Cour de Cassation s’est prononcée là-dessus dans un arrêt « Appietto » du 20 novembre 1963 et a donné un critère pour étudier cela : lorsque les époux, quand ils se sont mariés, n’ont eu en vue que des avantages étrangers à l’union matrimoniale on considérera que le mariage est nul faute de véritable consentement sur la base de l’article 146 du code civil. A l’inverse, lorsque au moins un des effets du mariage a bien été recherché, on considérera que ce mariage est valable, même s’il s'agit d’un mariage à effets conventionnellement limités. Mise en œuvre difficile.
On a fini par considérer que tout mariage fictif était nul dès lors que l’intention matrimoniale faisait défaut. Sont très souvent annulés des mariages, soit sur demande d’un des époux, soit du ministère public, lorsqu’il y a défaut de cohabitation ou défaut de consommation.
La cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 8 septembre 1999 relatif à un défaut de cohabitation, a annulé le mariage d’une française locataire avec le neveu des bailleurs organisés en contrepartie du paiement d’un arriéré de loyer. L’épouse vivait en concubinage avec un tiers.
Il y a tout de même eu une autre manière d’interpréter la loi, la Cour de Cassation ayant parfois refusé d’annuler le mariage, mais d’en annuler les effets frauduleux recherchés (affaire de mariage, remariage en but d’obtenir la nationalité française.) Pour qu’il y ait consentement valablement donné il faut qu’il soit réel et sérieux, mais il doit aussi être intègre.
2 – L’intégrité du consentement
Il s’agit ici d’examiner la théorie des vices du consentement (ici : erreur et violences, le dol étant exclu).
Le consentement ne doit pas être affecté d’un vice, il doit donc être exprimé en toute liberté et en connaissance de cause. Si ce consentement a été donné suite à une erreur ou à des pressions, on considérera que le consentement n’est pas éclairé (erreur), ou libre (pressions).
On a donc adapté la théorie des vices tirée du droit des contrats, qui comporte en plus de cela le dol. Seules l’erreur et la violence sont admises en droit du mariage. Le dol ne l’est pas : « En matière de mariage, trompe qui peut » (Loysel).
Le dol concerne toutes les manœuvres par lequel le cocontractant va provoquer une erreur chez son cocontractant. On s’est rendu compte qu’il était difficile de distinguer cela du fait de la séduction qui peut mener au mariage. La distinction entre la manœuvre dolosive et la séduction classique n’était pas aisée.
a) L’erreur
C’est une fausse représentation de la réalité qui consiste à croire vrai ce qui est faux, et inversement. L’erreur est ici régie par l’article 180 du code civil. Historiquement seule l’erreur dans la personne permettait d’annuler le mariage. Cela avait été interprété très restrictivement dans le cas d’erreur sur l’identité de la personne. Dans l’arrêt Berthon du 24 avril 1862, fut exprimée l’idée que l’erreur ne pouvait qu’être relative à l’identité de l’époux (cf. GAJC).
Sous la pression des juridictions du fond, le législateur dans la loi du 11 juillet 1975 a consacré une interprétation plus libérale de cet article, et a modifié les termes de l’article 180 en y incluant l’erreur sur une qualité essentielle de la personne. Cette erreur implique que l’on peut aussi bien invoquer une erreur sur l’identité (physique ou civile), mais aussi sur une qualité essentielle de la personne. C’est ce fondement qui permet un grand nombre d’actions en nullité pour erreur.
Conception objective sur cette idée de l’erreur sur une qualité essentielle de la personne : cette qualité est « communément attendue » (être en mesure d’attendre de ne pas être frappé par son conjoint…) Cette conception peut être subjective : qualité essentielle pour la personne réclamant la nullité du mariage (attendre que le conjoint n’ait pas déjà été marié par exemple).
On va aussi rencontrer un problème de preuve dans la mesure où il est plus facile de prouver le caractère déterminant de l’erreur quand elle porte sur une qualité jugée essentielle aux yeux de l’opinion publique, que de prouver l’erreur sur une qualité considérée subjectivement par la personne qui subit l’erreur. Le caractère déterminant de l’erreur signifie que sans cette erreur le mariage n’aurait pas eu lieu. La plupart du temps, les annulations sont fondées sur une erreur portant sur des qualités essentielles en tant qu’elle est reconnue comme telle par l’opinion publique : erreur sur l’honorabilité de l’époux, erreur sur l’existence de conviction religieuse, sur l’aptitude sexuelle ou encore sur la santé mentale du conjoint. Le juge apprécie souverainement les qualités essentielles invoquées par le conjoint, ce qui rend en définitive le résultat aléatoire.
Dans un arrêt de la première chambre civile du 13 décembre 2005, le mari avait dissimulé qu’avant son mariage il avait entretenu une liaison avec une femme mariée, liaison interrompue pour se marier avec l’épouse actuelle. L’épouse, découvrant cela, demande au juge l’annulation du mariage et invoque pour ce faire ses convictions religieuses et soutient que cela heurte ses convictions car la liaison était avec une femme mariée. La cour d’appel l’avait débouté car le caractère d’erreur n’était pas réellement déterminé. La Cour de Cassation est venue affirmer la décision de la cour d’appel et a rejeté le pourvoi. En général, l’existence d’une liaison antérieure n’est pas pour la jurisprudence un motif d’annulation : il n’y a pas d’obligation de fidélité avant le mariage.
b- Les violences
Article 180 al.1, modifié par la loi du 4 avril 2006 relative aux violences au sein du couple.
- « Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre (L. no 2006-399 du 4 avril 2006, article 5) «, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage ».
On peut difficilement envisager une violence physique, mais des violences morales pour contraindre la personne à se marier sont plus fréquentes. Cette violence morale vient le plus souvent des membres de la famille ou de la future belle-famille. On peut aussi envisager des pressions émanant d’un tiers. Traditionnellement la violence pour être considérée comme vice de consentement, doit présenter une certaine gravité. En droit des contrats l’article 1114 du code civil considère que « la seule crainte révérencielle ne saurait vicier le consentement », sauf s’il y a de véritables menaces de la part des parents. Il s'agit par exemple du fait de craindre de ne pas plaire aux parents, crainte révérencielle à l’égard des patrons, etc. La solution inverse est donc apportée par le code civil en sa version révisée de l’article 180 : la loi de 2006 vient d’insérer dans l’article 180 la crainte révérencielle comme pouvant constituer une violence constitutive d’un vice de consentement. Cela a été fait afin de protéger les pressions faites sur les jeunes filles. De plus s’est ajouté dans cette loi la nécessité d’avoir atteint sa majorité pour se marier.
Exemple : Cour d’appel de Colmar en date du 28 avril 2004 : Jeune fille qui s’est réfugiée chez son oncle après avoir subi des pressions en vue de se marier. Demande d’annulation pour vice de consentement dû à des violences exercées sur le fondement de l’article 180. La famille a affirmé ces pressions : mariage annulé.
B – Les autorisations
Les autorisations qui vont nous intéresser sont les autorisations familiales, bien que nous ayons vu que la famille n’a pas à intervenir dans le cadre de la formation du mariage, sauf cas des mineurs ou majeurs incapables placés sous un statut de protection (quand l’incapable n’est pas placé sous un tel régime : simple appréciation de sa lucidité).
1 – Les mineurs
L’article 148 exige une autorisation parentale pour les mineurs. Il faut combiner cela à l’obligation de puberté contenue dans l’article 144.
Avant la loi de 2006, puisque les filles avaient la possibilité de se marier dès l’âge de 15 ans, elles n’avaient pas besoin de l’autorisation du procureur de la République, mais il fallait tout de même une autorisation parentale. Un même âge pour deux conditions.
- En tant que mineur : autorisation parentale.
- En tant que personne physiquement non-mature : Procureur de la République.
Il faut le consentement des deux parents, mais si les parents sont en désaccord : le désaccord vaut consentement. Il suffit donc en principe d’une seule autorisation.
Si l’un des deux parents est hors d’état de consentir au mariage, l’autorisation de l’un suffira également. Si les deux parents sont hors d’état de manifester leur volonté, ce sont leurs ascendants qui pourront consentir, si les deux grands-parents sont en désaccord, là encore le désaccord vaut consentement. Enfin, si tout le monde est mort le mineur est placé sous l’autorité d’un conseil de famille qui tranchera. Si l’autorité sur l’enfant est déléguée, c’est au tuteur de décider.
L’autorisation doit revêtir plusieurs caractères :
Elle doit être spéciale : donnée en vue de ce mariage là, avec cette personne là. Elle doit donc préciser l’identité du conjoint que le mineur est autorisé à épouser. Elle prend la forme d’un acte authentique irrévocable, autorisation discrétionnaire, aucun recours ne sera autorisé contre un refus d’autoriser ce mariage, mais celui à qui l’on demande cette autorisation ne doit pas abuser de son droit à refuser : si un refus était inspiré par des motifs illégitimes (couleur de peau, religion etc.) ce refus serait un abus de droit à refuser.
2 - Les majeurs incapables
Régime modifié par la loi du 5 mars 2007 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2009. Il s'agit soit d’un régime de tutelle, soit d’un régime de curatelle. L’incapable majeur devra obtenir une autorisation, qui va obéir à un régime différent selon la nature du régime.
- Tutelle : l’autorisation devait être donnée par les parents (si encore en vie) ou conseil de famille après avis du médecin traitant. La loi du 5 mars 2007 a supprimé l’autorisation des parents et subordonne cette autorisation à l’autorisation du juge ou du conseil des familles. Notons que l’avis des parents et de l’entourage peut être demandé, de même que l’avis du médecin traitant (qui n’est plus une étape obligatoire).
- Lorsqu’il s'agit d’un majeur en curatelle, on demandera le consentement au curateur ou au juge des tutelles. Le mariage est alors célébré et le conjoint devient immédiatement le tuteur ou le curateur du conjoint, sauf motifs particuliers tirés des articles 416 et 509-1 du code civil.
§3 – Les conditions d’ordre sociologique : manifestation des exigences sociales et morales
Parfois la loi interdit le mariage pour des raisons de moralité. Certaines situations constituent des empêchements à mariage. Il n’en reste que deux qui soient liés à la moralité sociale : inceste et polygamie (pluralité de mariages concomitants).
A – Interdiction du mariage entre parents et alliés
Cela est porté par des raisons eugéniques : si des enfants sont issus d’unions entre proches parents ils pourraient être atteints de maladies et d’infirmités graves.
Conception sociale, morale : condamnation de l’inceste.
A une époque où le groupe familial était très étendu, on interdisait le mariage entre parents jusqu’au 14ème degré. Cela a donc diminué. Parmi les empêchements subsistants, il faut distinguer les empêchements absolus et ceux pouvant être levés par une dispense.
1 – La prohibition absolue
Concerne la parenté en ligne directe, que la famille fut constituée en mariage ou hors mariage. On trouve cela dans l’article 161 du code civil. Elle est étendue aux liens d’alliance puisqu’il est interdit de se marier avec les conjoints de ses ascendants ou de ses descendants (considération guidée par la paix des familles), cette dernière interdiction pouvant être levée après la mort du conjoint créant l’alliance.
L’article 162 prohibe le mariage en ligne collatérale entre frères et sœurs. Cette interdiction est absolue et vise les personnes ayant un auteur commun. En revanche, en alliance collatérale il est possible de se marier : avec un beau-frère et une belle-sœur.
(L’article 163 prohibe le mariage entre oncle et nièce et entre tante et neveu).
Dans la famille hors-mariage, on sait parfois que le lien de famille, le lien de parenté naturelle (hors-mariage), n’est pas toujours établi et on se demande si l’on peut interdire ce mariage, bien que la filiation n’ait pas été juridiquement établie. La difficulté est de prendre en considération la filiation qui n’est pas juridiquement constatée. Certains pensent que l’officier d’état civil pourrait constater d’un empêchement ou non, mais ce serait lui donner un rôle trop important. Les auteurs et la jurisprudence restent perplexes.
L’article 342-7 affirme l’interdiction du mariage dans une hypothèse particulière du cas où l’homme qui n’est pas le père juridiquement a été condamné à verser des subsides à l’enfant : il s'agit d’un homme qui a eu des relations intimes avec la mère pendant la période légale de conception, mais dont la paternité n’est pas prouvée juridiquement. Sur ce fondement on peut le condamner à verser des subsides à l’enfant, il y a alors empêchement à mariage.
S’agissant de l’adoption, en cas d’adoption plénière, les prohibitions sont évidemment les mêmes que concernant une véritable famille. On déduit cela de l’article 356 al.1 du code civil qui dispose que l’adoption confère à l’enfant adopté une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine, par conséquent, d’après l’article 358, l’adoptant et l’adopté ont les mêmes droits que dans une filiation normale. Pour les adoptions simples il y a prohibition à mariage entre l’adoptant et l’adopté, ses descendants ou les conjoints de l’adoptant. En revanche pas de prohibition entre l’adopté et les ascendants de l’adoptant, ni entre l’adopté et les frères et sœurs de l’adoptant. En ce qui concerne l’éventuel empêchement entre l’adopté et sa famille d’origine : les empêchements prévus aux articles 161 et suivants subsistent, mais ils sont difficiles à mettre en œuvre puisque le jugement d’adoption fait disparaître toutes traces entre l’adopté et sa famille d’origine.
Pour les filiations liées à l’insémination artificielle le problème est insoluble du fait de l’anonymat du donneur.
2 – Les empêchements susceptibles d’être levés par une dispense
C’est l’article 164 qui prévoit que la prohibition déjà citée en ligne collatérale entre l’oncle et la nièce et la tante et le neveu peut être levée par dispense.
La prohibition entre alliés en ligne directe pourra être levée si la personne qui crée l’alliance est décédée (entre belle-mère et beau-fils etc.), il en va de même en vertu de l’article 356 relatif à l’adoption, ainsi qu’entre l’adopté et les enfants de l’adoptant. En ce qui concerne cette dispense est qu’elle peut être donnée que pour causes graves. C’est le Président de la République qui apprécie la gravité ou non de la circonstance. La cause grave souvent retenue est l’intérêt des enfants, nés de l’union incestueuse. Cela peut néanmoins être refusé s’il existe un écart d’âge trop important entre les postulants au mariage. Cependant, l’appréciation du Président reste souveraine, et n’est pas susceptible de recours (pas de recours après refus).
B – Empêchements résultants d’une pluralité de mariages
1 – L’empêchement de la bigamie
Cela résulte de l’article 147 du code civil qui dispose que l’on « ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. » La bigamie est aussi un délit au sens pénal, sanctionnée par l’article 433-20 du code pénal : sanction d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros, pour le marié et pour l’officier d’état civil.
Pour prévenir cela, les époux doivent apporter de nombreux papiers, dont un acte de naissance récent (il y figure la notification du mariage). L’article 147 s’applique a priori aux mariages célébrés en France. Un tel mariage serait contraire à l’ordre public. En DIP se pose la question de savoir le sort d’un mariage polygamique célébré régulièrement dans un pays tolérant cela. La jurisprudence a fini par admettre la validité de ces mariages célébrés à l’étranger, mais il faut que les personnes engagées dans les liens viennent d’un pays autorisant la polygamie. Le Français ne peut donc pas entrer dans les liens d’un tel mariage. Dès lors qu’il est valablement contracté, on autorise les effets d’un mariage polygamique, comme les droits successoraux par exemple.
Lorsque la première épouse est française, on va limiter les effets des autres mariages polygamiques. Les effets reconnus sont donc en général d’ordre patrimonial privé. Quand on lui demande de faire produire des effets sur des prestations sociales cela est généralement refusé.
2 – La licéité du remariage
Dès que le mariage a été dissout, on va autoriser, en vertu du principe de liberté matrimoniale, le remariage. Il n’y a pas de limites au nombre des unions successives. La loi ancienne (ancien article 228) imposait néanmoins un délai de viduité pour son remariage : limite temporelle, la femme ne pouvait se remarier avant 300 jours courant après la dissolution du mariage, 300 jours durant lesquels la femme divorcée ou veuve ne pouvait se remarier afin d’éviter les éventuelles incertitudes relatives à la filiation. Cette exigence a été assouplie par la jurisprudence, puis supprimée par la loi du 26 juillet 2004 portant réforme du divorce, qui, pour des raisons d’égalité entre époux, a supprimé cela.
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