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Il a pour effet la composition d’une famille nucléaire. Il émancipe les époux mineurs, il peut avoir des effets à l’égard de la nationalité, il va engendrer de nombreux effets « administratifs », des effets sociaux, fiscaux, effets à l’égard des enfants (question de l’autorité parentale notamment.) Mais cette question de l’autorité parentale n’est plus liée à la notion de mariage, mais plutôt au statut des enfants. Nous ne verrons donc pas l’autorité parentale dans le cadre des effets du mariage. Effets personnels et effets d’ordre patrimonial, d’ordre pécuniaire. Ces effets appartiennent à un statut considéré comme étant d’ordre public : il va s’imposer aux époux. Même s’ils en décidaient le contraire, cela ne pourrait être retenu et ne pourrait pas produire d’effets juridiques (exemple : on ne peut se dégager du devoir de fidélité.) On parle d’effets impératifs.
Devoirs réciproques des époux, et certaine collaboration.
I – Les devoirs réciproques
Selon l’article 212 du code civil, les époux se doivent mutuellement « respect, fidélité, secours et assistance. » Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie en vertu de l’article 215. À l’exception du devoir de secours (pécuniaire), les autres sont des devoirs personnels.
A – Le devoir de communauté de vie
Cela recouvre deux devoirs :
- Communauté de toit. Cette communauté a évolué. Elle impliquait au départ nécessairement une vie sous le même toit. Aujourd’hui, cela peut s’accommoder de résidences séparées, pourvu qu’il y ait suffisamment de rencontre entre les époux et que cette communauté de vie existe. La jurisprudence a consacré cet aspect là dans un arrêt du 8 juin 1999 en affirmant que si les époux peuvent avoir « temporairement des domiciles distincts, notamment pour des raisons professionnelles », l’intention matrimoniale implique une communauté de vie. Le refus de cohabiter de la part d’un des époux va tout de même constituer une faute au regard de cette obligation. En revanche, le juge ne pourra jamais le contraindre à cohabiter. La seule sanction se retrouve sur le terrain du divorce : possibilité de demande un divorce pour faute ou une séparation de corps.
- Communauté de lit. Relations charnelles consenties et non imposées. La Cour de Cassation, en 1984, a admis l’existence du viol entre époux. Le Code pénal a pris la relève par la suite en validant cette hypothèse dans son article L.222-22 al.2. En 1984 en droit civil, on a admis que l’époux pouvait être violé. La loi du 4 avril 2006 (violences au sein du couple) a réaffirmé cette jurisprudence : « quelle que soit la nature de la relation entre la victime et son violeur », quand bien même seraient-ils mariés.
En ce qui concerne le refus de ces relations : cela peut constituer une faute, faute comme base du divorce. Dès lors que ce refus n’est pas justifié par un état de santé, par l’âge etc., ce refus est constitutif d’une faute : il faut un refus habituel, répété et injustifié.
CA de Grenoble le 3 avril 2000 : Une femme avait tenté d’obtenir la nullité de son mariage sur le fondement de l’erreur des qualités essentielles de la personne, ici l’incapacité sexuelle de son mari. Puis demande divorce pour faute, la communauté de vie impliquant la consommation du mariage !
On trouve quelques exemples d’un « devoir de procréation », avec divorce prononcé au tort partagé entre une femme stérile qui avait refusé de se faire soigner pendant six ans, et un mari qui souhaitait avoir des enfants.
B – Le devoir de fidélité
L’article 212 du Code civil mentionne le devoir de fidélité mais sans le définir. L’entretien avec un tiers d’une relation amoureuse ou charnelle constituera une infidélité. Dans certaines circonstances, on admet le fait qu’une relation non charnelle puisse constituer une infidélité mais celle-ci sera bien plus difficile à prouver qu’une infidélité charnelle.
L’adultère a longtemps été constitutif d’un délit pénal mais en 1975, date de la première grande réforme du divorce, on a supprimé ce caractère délictuel de l’adultère. Cependant l’infidélité demeure susceptible de sanctions civiles car elle est constitutive d’une faute qui va faire l’objet d’une double sanction. L’adultère est une faute constitutive d’une cause de divorce, cependant ce n’est plus une cause péremptoire. La cause péremptoire entraînerait automatiquement la qualification de divorce dès lors qu’elle serait constatée. Or désormais l’adultère n’est qu’une cause facultative de divorce c’est-à-dire qu’elle sera soumise au juge qui appréciera la gravité de la faute au regard des circonstances.
L’infidélité peut également être sanctionnée par la condamnation de l’époux à des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382, c’est-à-dire sur le fondement de la responsabilité civile. Dans ce cas, en plus de la faute il faut qu’il existe un préjudice et un lien de causalité.
La fidélité est un devoir d’ordre public, les époux ne peuvent donc pas s’en libérer par convention. Néanmoins si un pacte de non-fidélité se trouvait exécuté par les deux, la faute serait atténuée et le divorce pour faute ne pourrait être fondé sur le simple adultère.
C – Le devoir d’assistance
Le devoir d’assistance est la manifestation d’une forme d’entraide conjugale mais extrapatrimoniale. C’est par exemple le devoir de soigner son conjoint malade ou âgé et lui apporter du réconfort. Ce devoir n’est pas absolu car la loi admet, depuis 2004, la possibilité de demander le divorce pour altération définitive du lien conjugal (ancien divorce pour rupture de la vie commune.) C’est ainsi la possibilité de divorcer alors que l’autre n’est pas d’accord et n’a pas commis de faute.
Le devoir d’assistance a un contenu assez vague : patience, solidarité, soutien, etc.
D – Le devoir de respect
Le devoir de respect a été ajouté à l’article 212 par la loi du 4 avril 2006 (relative aux violences conjugales.) Il figure désormais en première place de l’article. En fait, ce devoir avait déjà été consacré par la jurisprudence qui en avait défini les contours sans le nommer.
La notion de respect est à rattacher à la question des libertés individuelles de chaque époux. Il s’agit de mettre l’accent sur « la nécessaire reconnaissance de l’autre, non seulement de son corps mais aussi dans ses opinions, sa religion et sa profession. »
L’idée d’égalité entre nécessairement en jeu. Dans la famille, l’idée de hiérarchie a disparu et il existe une égalité parfaite entre les époux, que ce soit sur le plan patrimonial ou extrapatrimonial. Les époux co-dirigent la famille de manière égale. Les notions de chef de famille et de puissance paternelle ont été supprimées par une loi du 4 juin 1970 pour être remplacées par celle d’autorité parentale. Avant, le mari était le chef de famille autant à l’égard de son épouse que de ses enfants mais il a perdu successivement ces fonctions qu’il partage désormais à parts égales avec sa femme.
Les devoirs du mariage limitent nécessairement les libertés individuelles, ce qui pose certaines problématiques. Les atteintes aux libertés ne sont tolérées que parce qu’elles sont nécessaires à la vie commune et à l’idée que le droit positif se fait du mariage. Mais les époux conservent malgré tout un certain nombre de prérogatives personnelles et sociales. Les atteintes à la liberté d’un époux qui ne sont pas légalement prévues et qui seraient exercées par un époux sur son conjoint sont punissables de la même manière que si elles émanaient d’un tiers. C’est notamment le cas pour les atteintes à l’intégrité physique.
Concernant l’intégrité physique, chaque conjoint est le seul à pouvoir donner des autorisations concernant les interventions chirurgicales le concernant, y compris la femme en ce qui concerne les IVG et conditions de procréation artificielle. Dans un arrêt datant de 1980, le Conseil d’État a considéré que le mari ne peut s’opposer à la décision d’avortement de sa femme.
S’agissant de l’intégrité morale, chaque époux est le seul à pouvoir autoriser les diffusions d’images ou d’enregistrement le concernant. De plus, l’intégrité morale concerne les droits fondamentaux de la personne humaine : sentiments, opinion religieuse, politique ou syndicale. La liberté religieuse implique que chaque époux puisse exercer sa religion librement. De même, un époux peut se convertir à la religion de son choix. La seule limite est de ne pas abuser de sa liberté religieuse, ainsi si l’exercice de cette liberté influe sur le mariage de sorte que le maintien de la vie commune devienne intolérable, la jurisprudence estime qu’il peut y avoir une cause de divorce et même une cause de divorce pour faute. Le même type de solution est adopté pour les libertés syndicales et politiques. Dans un arrêt du 9 octobre 1996, la Cour de cassation a confirmé le divorce prononcé aux torts exclusifs de la femme qui s’était convertie aux témoins de Jéhovah ce qui perturbait la vie familiale, particulièrement en matière d’éducation des enfants.
La liberté de l’activité professionnelle est importante car elle a subit une évolution spectaculaire au cours du 20e siècle. Avant 1938, la femme était considérée comme juridiquement incapable. Elle a ensuite obtenu la capacité juridique mais elle devait obtenir l’autorisation de son mari pour exercer une activité professionnelle. Cette contrainte a été supprimée en 1953 mais il existait toujours un droit d’opposition du mari qui a été définitivement perdu par la loi du 13 juillet 1965 qui a réformé tout le droit des régimes matrimoniaux. L’épouse a désormais le droit d’exercer la profession qu’elle souhaite et cette liberté est appuyée par l’indépendance financière. En effet, chaque époux peut disposer librement de ses gains et salaires une fois qu’il s’est acquitté des charges du mariage.
§2 – Les fonctions conjointes
La loi confère aux époux un certain nombre de missions. Chaque époux se voit donc octroyer certains pouvoirs, non dans son propre intérêt mais dans celui de la famille.
A – La direction générale de la famille
L’art 213 modifié par la loi de 1970, dispose que « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. » On parle de codirection de la famille et cet article est lu par l’officier d’état civil le jour du mariage. En présence d’enfant la codirection va de pair avec l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
La codirection de la famille repose sur l’accord des époux. Cela concerne non seulement les questions patrimoniales mais aussi les questions extrapatrimoniales. Là encore, la direction morale et matérielle doit être conciliée avec les libertés individuelles. Par exemple l’aspect moral n’implique pas que les époux aient la même religion.
En cas de désaccord, les époux ont un recours au juge et peuvent demander à ce que celui-ci prenne des mesures destinées à maintenir l’intérêt de la famille. L’art 220-1 permet notamment à un époux de demander au juge d’ordonner des mesures d’urgence lorsque le conjoint met en péril les intérêts de la famille. De la même manière, l’article 217 permet au juge d’autoriser un époux à passer seul un acte qui nécessiterait en principe l’accord de l’autre. Enfin l’article 219 permet également l’intervention du juge. Autrement dit, l’accès au juge est possible y compris en dehors d’un divorce.
B – Le choix de la résidence
Depuis 1970, le choix de la résidence de la famille doit être fait par les deux époux. Avant, le mari choisissait le lieu de résidence.
A partir de 1970, le choix devait être fait par les deux mais en cas de désaccord le dernier mot revenait au mari. Depuis 1975 l’égalité totale est assurée puisqu’il n’y a pas d’avis prépondérant. En cas de conflit, rien n’est véritablement prévu. Si le conflit dégénère, cela peut aboutir à une procédure de divorce.
Le mariage crée entre les époux des liens patrimoniaux. Le régime matrimonial est l’ensemble des règles qui régissent les liens patrimoniaux entre époux. Le régime matrimonial est gouverné par le principe de la liberté des conventions matrimoniales. Les époux ont donc le loisir de choisir la manière dont seront organisées leurs relations patrimoniales.
Concrètement le régime matrimonial règle les questions de propriété et de pouvoir que les époux exercent à l’égard des biens. Le choix du régime matrimonial intervient avant le mariage mais il existe une disposition supplétive de volonté importante : si les époux ne choisissent par de régime matrimonial, ils seront soumis au régime légal, c’est-à-dire au régime de la communauté réduite aux acquêts. Quand les époux choisissent un autre régime matrimonial, on dira qu’ils ont fait un contrat de mariage.
Indépendamment de ces règles, il existe des règles concernant les relations pécuniaires qui vont s’appliquer à tous les époux quel que soit le régime matrimonial qui leur est applicable. Ces règles s’appellent le régime primaire ou statut patrimonial de base.
§1 – Le régime primaire
Ce statut patrimonial de base va imposer aux époux des devoirs réciproques dans le but de sauvegarder les intérêts de la famille. En contrepartie, les époux bénéficient d’une véritable liberté patrimoniale.
A – La liberté des époux
Les époux disposent d’une autonomie au sein du mariage aussi bien dans le cadre de leur vie courante que dans le cadre de leur vie professionnelle.
1 – La vie courante
Article 220 : « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante ».
Des dettes ménagères peuvent donc être contractées par un époux sans le consentement de l’autre. Seront considérées comme des dettes ménagères les dettes alimentaires, les dettes relatives au logement (contrat d’assurance habitation, loyer, facture d’électricité, etc.), tous les contrats conclus pour les loisirs, les dépenses de santé, les frais d’établissement scolaire, etc. Autrement dit tout ce qui est une dépense de la vie courante. Néanmoins l’article prévoit que ces dépenses seront mises en relation avec le train de vie du ménage et l’utilité de la dépense. La nécessité de la dépense n’est pas un facteur déterminant, comme on l’a vu les dépenses de loisir sont considérées comme des dettes ménagères. En revanche, le train de vie du ménage sera une indication importante.
L’intérêt de la qualification des dettes ménagères concerne la solidarité patrimoniale. En effet, le pouvoir domestique oblige l’autre solidairement ce qui signifie que le conjoint qui n’a pas contracté la dette peut quand même être poursuivi par le créancier pour la totalité du montant de cette dette.
Comme le précise l’article, la solidarité ménagère sera exclue dans un certain nombre de cas :
- Pour les dépenses, même ménagères, manifestement excessives eu égard au train de vie du ménage ;
- Pour les achats dits à tempérament, c’est-à-dire payables en plusieurs fois ;
- Pour les emprunts concernant des sommes non modestes.
2 – La liberté bancaire et mobilière
Article 221 : « Chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel.
A l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt ».
Cet article pose ce qu’on appelle une présomption de pouvoir, qui va au-delà d’une simple règle de liberté d’action. On présume donc que les époux ont le pouvoir d’ouvrir un compte bancaire et d’y déposer de l’argent. L’idée est d’assurer l’autonomie effective des époux dans le cadre de la vie courante tout en protégeant les tiers. En l’occurrence, la présomption bancaire a été établie lorsque les femmes ont obtenu la liberté de disposer de leurs revenus car on constatait qu’en pratique les banquiers refusaient d’ouvrir des comptes aux femmes mariées sans autorisation. Pour lutter contre ce phénomène, on a rendu le droit d’ouvrir un compte obligatoire, mais en contrepartie le banquier ne peut être tenu responsable de ne pas avoir vérifié que l’époux ou l’épouse en avait effectivement le pouvoir.
En matière mobilière, le mécanisme est similaire avec néanmoins certaines conditions supplémentaires.
Article 222 : « Si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte. Cette disposition n’est pas applicable aux meubles meublants visés à l’article 215, alinéa 3, non plus qu’aux meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété de l’autre conjoint conformément à l’article 1404. »
Chaque époux est donc présumé avoir le pouvoir de faire seul un acte d’administration ou de disposition sur un bien immobilier qu’il détient individuellement. La notion de détention implique une emprise physique matérielle sur le bien. Cette présomption de pouvoir n’inclue que les biens meubles corporels. De plus, le tiers doit être de bonne foi pour être protégé par la présomption ce qui signifie qu’il ne doit pas savoir que le meuble appartient à l’autre ou à la communauté. Par exemple, lorsqu’un époux verse un acompte pour effectuer un achat, il est réputé avoir la libre disposition des fonds qu’il a déposé à titre d’acompte. Le tiers n’a donc aucune vérification à faire. Cette présomption de pouvoir n’est pas applicable aux meubles meublants qui garnissent le logement familial ni aux meubles dont la nature fait nécessairement présumer la propriété de l’autre conjoint (vêtements, instruments de travail spécifiques à la profession de l’autre, etc.) qu’on appelle biens propres par nature.
3 – L’autonomie professionnelle
Article 223 : « Chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage. »
Les époux ont donc une totale liberté dans le choix de leur profession. Pour que l’autonomie des époux soit effective, chacun dispose librement de ses revenus, avec comme celle restriction la nécessité de participer aux charges du ménage.
B – La sauvegarde des intérêts de la famille
1 – En temps normal
Article 214 : « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »
Les charges du mariage sont l’ensemble des dépenses d’intérêt commun que fait naître la vie en ménage. Au sens strict, il ne s’agit pas d’une obligation alimentaire, c’est-à-dire fondé sur les nécessités du ménage car l’obligation de participation aux charges n’est pas subordonnée aux besoins de l’autre conjoint. L’article vise toutes les dépenses liées au train de vie du ménage, y compris les dépenses de vacances et de loisir. Cela recoupe donc les mêmes dépenses que celles déjà envisagées à l’article 220. Cependant les mécanismes de ces deux articles ne fonctionnent pas sur le même plan. En effet, l’article 220 règle la manière dont les époux sont obligés à l’égard d’un tiers créancier, c’est-à-dire qu’il définit l’étendue du gage du créancier, tandis que l’article 214 règle la question de la répartition finale entre les époux du poids de ces charges et de ces dettes éventuelles. Le mécanisme de l’article 214 ne concerne donc que les époux entre eux.
Les époux peuvent prévoir le montant de leur contribution par contrat de mariage ou par des conventions annexes, mais s’ils ne le font pas, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Avant 1975, l’article 214 prévoyait que le mari contribuait aux charges du mariage à titre principal et la femme à titre subsidiaire.
Les époux ne peuvent pas conventionnellement se dispenser totalement des charges du mariage. Le plus souvent l’article 214 s’applique de façon supplétive car il est rare que les époux prévoient à l’avance leur participation aux charges. La participation d’un époux n’est pas nécessairement directement pécuniaire. En effet, un époux qui ne travaille pas ne peut pas être considéré comme ne participant pas aux charges du mariage car il effectue alors des tâches, comme le ménage ou l’éducation des enfants, qui autrement auraient été des charges.
En cas de litige, le juge pourra apprécier le montant de la somme due. Le plus souvent, lorsqu’il y a vie commune l’exécution de la contribution s’effectue sans problème. En l’absence de vie commune, cette contribution prend la forme d’une pension alimentaire. Pendant longtemps on s’est demandé si cette contribution ne devait pas disparaître en même temps que la communauté de vie mais la Cour de cassation en a décidé autrement et cette obligation dure tant que dure le mariage, c’est-à-dire y compris si les époux sont séparés de fait. Il se peut que le juge tienne tout de même compte de la séparation de fait pour aménager la contribution aux charges du mariage. Le juge va surtout travailler en amont sur la qualification de dépense ménagère.
Il existe également un mécanisme de protection du logement familial prévu à l’article 215 al.3 qui dispose que « Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous ».
Cette protection concerne tant la propriété que la location. C’est une hypothèse de cogestion prévue par le régime primaire.
2 – En temps de crise
L’article 212 du Code civil met en place un devoir de secours.
Traditionnellement cette obligation de secours était définie comme l’obligation pour chaque époux de fournir à l’autre ce qui est nécessaire pour vivre lorsque celui-ci se trouvait dans le besoin. C’était donc la traduction de l’obligation alimentaire entre époux et l’idée de besoin distinguait le secours de la contribution aux charges du ménage. Cette distinction n’a plus lieu d’être puisque la jurisprudence considère que la contribution aux charges du mariage est due jusqu’à la dissolution du mariage. En effet, la Cour de cassation considère que le devoir de secours doit satisfaire les besoins matériels du créancier au regard du niveau social du ménage, ce qui ne correspond donc plus à un minimum vital. Ainsi les deux devoirs sont à rapprocher et le devoir de contribution va absorber celui de secours.
Pourtant le devoir de secours conserve une application autonome dans l’hypothèse de la séparation de corps. En effet, dans le cadre de cette séparation il n’y a plus d’obligation de contribuer aux charges du mariage, qui est donc relayée par le devoir de secours. De la même manière, il existe une manifestation autonome du devoir de secours durant les instances en divorce.
Article 220-1 « Si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts.
Il peut notamment interdire à cet époux de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles. Il peut aussi interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des conjoints.
Lorsque les violences exercées par l’un des époux mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences. Le juge se prononce, s’il y a lieu, sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Les mesures prises sont caduques si, à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n’a été déposée. La durée des autres mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans ».
Cet article permet de sanctionner les devoirs issus du mariage sur un autre terrain que celui du divorce. Concernant le manquement grave à un devoir, l’article 242 du Code civil, qui concerne le divorce, parle d’une violation grave ou renouvelée d’un devoir issu du mariage. Les mesures prises par le juge seront des restrictions de pouvoir de l’époux qui met en péril les intérêts de la famille. Par exemple, le juge peut interdire à un époux de changer la situation des biens mobiliers de la famille. Les manquements aux devoirs peuvent concerner des devoirs autant de nature patrimoniale qu’extrapatrimoniale. En effet, les manquements aux devoirs extrapatrimoniaux peuvent exercer une influence sur les intérêts patrimoniaux du couple. Concernant la mise en péril des intérêts de la famille, la notion d’urgence sera déterminante. L’art 220-1 ne définit pas l’intérêt de la famille, c’est une notion cadre, mais ce n’est pas non plus une notion fourre-tout. Le juge appréciera souverainement la situation. L’intérêt de la famille peut être distinct des intérêts individuels du conjoint mais pas nécessairement.
§2 – Les régimes matrimoniaux
A – Le régime légal
La communauté légale réduite aux acquêts est caractérisée par le fait qu’il existe 3 masses différentes de biens qui vont coexister :
- La communauté est composée des acquêts, c’est-à-dire du patrimoine commun. Tous les biens acquis à titre onéreux par les époux pendant le mariage sont la propriété commune des époux. Le passif est composé de toutes les dettes contactées par les époux pour les besoins du mariage, qu’ils les aient contractées ensemble ou séparément. Cependant si la dette n’a été contractée que par l’un d’eux, elle lui incombera en dernier lieu, au niveau de la contribution à la dette.
- Chaque époux conserve également son patrimoine propre qui se compose des biens qu’il possédait avant le mariage, quelle que soit la nature de ces biens, ainsi que des biens acquis pendant le mariage à titre gratuit.
Les trois différents types de biens sont donc : les biens communs (les acquêts, ce qui est acquis après le mariage), les biens personnels du mari, les biens personnels de la femme.
En principe, les biens communs sont en gestion concurrente, c’est-à-dire que les époux exercent en commun les mêmes pouvoirs dessus. Chacun peut agir seul à l’égard de ces biens, mais à égalité avec l’autre. Il existe néanmoins certaines exceptions :
- Un époux aura parfois la gestion exclusive de certains biens communs, c’est par exemple le cas pour les instruments de travail.
- Les époux peuvent également avoir la gestion conjointe de certains biens, ce qui implique que les deux époux doivent être d’accord pour accomplir un acte sur le bien. Ce type de gestion est notamment prévu pour la protection du logement familial dans l’article 215 al.3 du Code civil.
Au contraire, les patrimoines propres sont gérés de façon exclusive par celui auquel il appartient, l’autre époux ne peut s’immiscer dans cette gestion.
Passif : dettes contractées par les époux pour les besoins du mariage, mais aussi par les dettes contractées par un seul époux pendant le mariage. Il faut bien sur noter que l’obligation à la dette et la contribution à la dette va être différente dans les différents cas.
En principe elle incombe généralement à l’époux qui a contracté la dette.
Les biens communs sont en général à la gestion concurrente (les époux exercent en commun les pouvoirs sur les biens communs.) Mais deux exceptions :
- Les époux doivent avoir une gestion exclusive. Ce sera par exemple le cas des instruments de travail (quand bien même appartiennent-ils aux deux époux, ils sont gérés par l’époux dont c’est la profession). Cet époux est le seul à pouvoir agir.
- Gestion conjointe : les deux époux, pour accomplir un acte sur un bien, doivent y consentir (on avait vu cela avec le logement de travail, article 215 al.3.)
A l’inverse, les patrimoines propres sont gérés individuellement et exclusivement par l’époux le possédant.
Concernant les patrimoines propres :
Contient les biens que les époux possédaient antérieurement au mariage. Chaque époux conserve la propriété sur ces biens (antérieurs au mariage.) Ce patrimoine va être aussi composé de ce que les époux ont acquis individuellement à titre gratuit (libéralités).
B – Les régimes conventionnels
Les époux peuvent par contrat choisir un régime matrimonial. Un régime communautaire élargi à tous les biens mobiliers leurs appartenant, il s'agit de la « communauté des meubles et acquêts ».
Ils peuvent élargir la communauté à tous leurs biens, il s'agit de la « communauté universelle » : biens présents (possédés avant le mariage), biens futurs (seulement biens à titre gratuit) etc.
Les époux peuvent avoir la volonté de distinguer leurs patrimoines respectifs : séparation de biens. Ils vont administrer leur masse propre de biens de manière exclusive. Il ne faut pas oublier la nuance du régime primaire, qui s’applique à tous les époux quel que soit leur régime patrimonial.
Régime de la participation aux acquêts :
L’idée est que durant toute la durée du mariage la séparation de biens s’appliquera entre les époux, mais lors de la dissolution du mariage et du régime matrimonial, on va permettre à l’époux qui s’est le moins enrichi de participer aux acquêts de son conjoint, droit de percevoir une part des acquêts de son conjoint.
C’est le régime légal en Allemagne. Les notaires ne l’appliquent pas souvent en France dans la mesure où il est jugé trop complexe à mettre en œuvre.
Il est possible de changer de régime matrimonial durant le mariage. La loi qui a réformé les successions en 2006 a modifié cette possibilité, en permettant un changement purement conventionnel, c'est-à-dire sans obtenir une homologation du juge. Notons qu’il faut tout de même un acte notarié, un acte sous seing privé ne permettant pas ce changement, il ne faut pas par ailleurs qu’il y ait un enfant mineur issu du couple, ce qui nécessiterait l’intervention du juge.
Même si en présence d’enfants majeurs cela est permis, ces derniers ont un droit d’opposition au changement de régime de leurs parents. Cela ouvre alors la voie judiciaire, et il faut que le juge homologue ce changement.
Ce droit est également ouvert aux créanciers des époux, ce qui ouvre là encore la voie judiciaire.
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