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Le divorce est une dissolution du lien matrimonial qui intervient du vivant des époux. Si un époux meurt en cours d’instance de divorce, on considère que c’est le décès qui dissout le mariage et non le divorce.
Le divorce intervient à la suite d’un jugement et il ne peut être prononcé que pour les causes limitativement énumérées par la loi. Ce divorce produit une rupture complète du lien matrimonial qui ne produit donc plus aucun effet.
Le divorce est un phénomène à la fois moral, religieux, patrimonial et juridique et le droit est obligé de s’inspirer de tous ces aspects pour le réglementer. Dans l’Ancien droit le divorce avait disparu sous l’influence du droit canonique. La Révolution a ressuscité l’institution du divorce et l’a même ouverte très largement puisque le divorce était admis par consentement mutuel et même pour simple incompatibilité d’humeur. Le Code civil de 1804 a maintenu le divorce mais l’a limité et a notamment supprimé ce divorce pour incompatibilité d’humeur. En 1816, sous la Restauration, le divorce a été complètement supprimé. Il n’a ensuite été réinstauré que par la loi Naquet de 1884.
Concernant les réformes plus contemporaines, la loi du 11 juillet 1975 a largement modifié le divorce et a notamment réintroduit en droit positif le divorce par consentement mutuel. On peut noter que cette loi a été entièrement pensée par le Doyen Carbonnier. Ensuite, la loi du 8 juillet 1993 a instauré le JAF qui est un juge unique compétent pour prononcer le divorce quelle qu’en soit la cause. Puis la loi du 30 juin 2000 a réformé les questions liées à la prestation compensatoire. Enfin la loi du 26 mai 2004 a, de nouveau, réformé de façon importante le divorce.
Les règles concernant la procédure de divorce sont essentiellement inscrites dans le NCPC, bien que le Code civil en contienne également quelques-unes. La loi de 2004 a largement réformé les procédures de divorce afin de répondre à un double objectif d’accélération et de simplification de la procédure. On a notamment élaboré un tronc commun procédural pour les différents cas de divorce.
Le divorce est une institution judiciaire et requiert donc toujours l’intervention du juge. Le législateur a estimé que cette intervention du juge est indispensable car le divorce est un domaine éminemment conflictuel. Le juge doit donc veiller à ce que le climat reste loyal ou, du moins, ne défavorise ni un époux par rapport à l’autre ni les enfants. Même dans le divorce par consentement mutuel, il faut s’assurer que les intérêts des époux et des éventuels enfants soient préservés. Il est vrai que lorsque le divorce n’est absolument pas conflictuel, le fait de devoir quand même passer devant un juge est plus lourd et plus coûteux que si une simple intervention du notaire suffisait. Dans la pratique ces situations sont extrêmement rares et on a considéré que si le notaire est incontestablement compétent pour les questions patrimoniales, il ne l’est néanmoins pas pour les questions extrapatrimoniales.
§1 – La compétence du juge aux affaires familiales
Le JAF est compétent pour statuer sur le divorce et sur ses conséquences quelle que soit la cause du divorce. Le TGI n’est compétent que de façon résiduelle lorsque le JAF lui renvoie l’affaire parce qu’il le décide ou parce que les parties le lui demandent. Le JAF est toujours une juridiction rattachée au TGI. Le JAF statue sur des questions aussi diverses que les modalités d’exercice de l’autorité parentale, la prestation compensatoire, la pension alimentaire, etc.
S’agissant de la compétence territoriale, l’idée générale est de rechercher le JAF le plus proche des éventuels enfants mineurs. L’article 1070 du NCPC dispose que « Le juge aux affaires familiales territorialement compétent » est :
- Le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ;
- Si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l’autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ;
- Dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n’a pas pris l'initiative de la procédure. » Autrement dit, le JAF compétent est d’abord celui de la résidence de la famille, ou celui de l’époux qui a la garde des enfants s’il n’y a plus de résidence commue, à défaut ce sera celui du lieu où réside l’époux défendeur.
§2 - Le déroulement de l’instance
Le déroulement de l’instance de divorce est le même quelle que soit la procédure, sauf pour le divorce par consentement mutuel. L’action en divorce est dite attitrée car seuls les époux peuvent agir en divorce, personne d’autre. Ceci peut paraître évident, pourtant la précision est d’importance car en droit commun tous ceux qui ont un intérêt à agir peuvent le faire.
Le juge est saisi par le dépôt d’une requête initiale. Celle-ci n’indique plus les motifs du divorce. Le choix du type de divorce n’interviendra qu’après la tentative de conciliation. Après le dépôt de la requête, le juge va convoquer les époux pour tenter de les concilier. Cette tentative de conciliation est obligatoire pour tous les divorces contentieux. En pratique, la conciliation n’aboutit jamais, en conséquence le législateur de 2004 a prévu que cette tentative a surtout comme objectif d’inciter les époux à régler ensemble les conséquences du divorce. La loi insiste sur le fait que les époux doivent s’arranger à l’amiable et passer des accords.
Le demandeur peut solliciter la prise de mesures urgentes qui ont pour particularité de pouvoir être ordonnées par le juge sans que le défendeur n’en soit averti. Ce sont des mesures encadrées et énumérées à l’article 257 du Code civil qui dispose que « Le juge peut prendre, dès la requête initiale, des mesures d’urgence. Il peut, à ce titre, autoriser l’époux demandeur à résider séparément, s’il y a lieu avec ses enfants mineurs. Il peut aussi, pour la garantie des droits d’un époux, ordonner toutes mesures conservatoires telles que l’apposition de scellés sur les biens communs. Les dispositions de l’article 220-1 et les autres sauvegardes instituées par le régime matrimonial demeurent cependant applicables ».
En vertu de ce texte, le juge va donc pouvoir prendre des mesures en cas de danger, il peut donc autoriser la résidence séparée ou ordonner des mesures conservatoires pour éviter qu’un époux ne dilapide les biens restants avant le prononcé du divorce. L’ordonnance qui prévoit ces mesures d’urgence n’est pas susceptible de recours mais elle n’est que provisoire pour l’instance. Une fois qu’il aura prononcé le divorce, le juge pourra maintenir ou modifier ces mesures.
Après la conciliation échouée, on établit une ordonnance de non-conciliation qui est l’acte procédural qui va permettre à l’époux qui a déposé la requête initiale d’assigner son conjoint faisant ainsi entrer le divorce dans sa phase contentieuse. Même alors, le rôle du juge est d’inciter les époux à s’entendre comme le prévoit l’article 252-3 du Code civil qui dispose que « Lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l’amiable ».
Par ailleurs, il peut arriver que la procédure de divorce s’étale assez longuement dans le temps, particulièrement en cas d’appel. Durant ce laps de temps, le juge va donc devoir aménager la situation des époux et des enfants. Pour cela il peut prendre de mesures provisoires qui ne sont motivées ni par le danger ni par l’urgence. Le JAF peut notamment statuer sur la garde provisoire des enfants ainsi que sur un éventuel droit de visite ou sur une garde alternée. De même, le juge prend des mesures concernant la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Cette contribution prendra la forme d’une pension alimentaire. De plus, le juge fixe le lieu de vie des époux ce qui signifie concrètement qu’il va autoriser les époux à résider séparément. Enfin, il règle les relations pécuniaires entre les époux, c’est-à-dire qu’il prévoit éventuellement une pension alimentaire due au titre du devoir de secours et de l’obligation de contribuer aux charges du ménage. Depuis la loi de 2004, toutes ces mesures font une large place à la volonté des époux car l’article 254 prévoit que celles-ci sont fixées en considération des accords éventuels des époux. Pour la même raison, la loi de 2004 introduit le recours à la médiation familiale. Le juge peut proposer ou enjoindre aux parties d’avoir recours à la médiation. Toute l’idée de la loi est donc de pacifier les relations familiales même dans le cadre du divorce. Un diplôme de médiateur familial a même été créé. L’article 255 du Code civil prévoit une liste non limitative des mesures provisoires possibles. Ces mesures pourront être modifiées au cours de l’instance et elles sont, dans les faits, assez importantes car elles préfigurent souvent de ce que sera le divorce.
C’est au moment de l’assignation, qu’on choisit le type de divorce. Cette assignation doit proposer un règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux sans quoi elle serait irrecevable. Même si c’est à ce moment qu’on choisit le type de divorce, le législateur de 2004 favorise l’existence des passerelles entre les différents cas de divorce. Il est notamment prévu qu’à tout moment de la procédure, les époux peuvent demander au juge de constater leur accord afin de passer à un divorce pour consentement mutuel. L’article 247 du Code civil dispose que « Les époux peuvent, à tout moment de la procédure, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer leur divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci ».
§3 – La preuve dans le divorce
La question de la preuve est importante dans tous les procès et particulièrement en matière de divorce parce qu’il y a de nombreuses choses à prouver mais aussi parce que certains faits vont permettre de mettre fin à certaines prestations. En principe, le droit commun de la preuve va s’appliquer (articles 1315 et suivants du Code civil) donc la charge de la preuve incombe au demandeur. Cependant le droit commun doit être adapté car dans le cadre du divorce les preuves ont la particularité de toucher de très près à la vie privée des époux.
Concernant les modes de preuves, on conserve le principe du droit commun, c’est-à-dire que la preuve est libre. En conséquence, dans un divorce pour faute, celle-ci pourra être prouvée par tout moyen. Cette règle résulte de l’article 259 du Code civil qui dispose que « les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l’aveu. » Toutefois, la preuve étant liée à la vie privée des époux, des aménagements ont été instaurés. Pour exemple, les lettres missives relèvent en principe de la correspondance privée des époux et ont donc par nature un caractère secret. Leur production en justice devrait donc être soumise à l’accord de l’époux auteur ou destinataire des lettres, mais si on appliquait cette règle celles-ci ne seraient jamais recevables dans une instance de divorce. Le principe a donc été d’admettre que les époux puissent produire des lettres missives à la seule condition que celles-ci n’aient pas été obtenues par fraude ou par violence. Avant 2004, ce principe n’était posé que pour les lettres missives mais il a depuis été étendu à tous les éléments de preuve et l’article 259-1 dispose désormais que « un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu’il aurait obtenu par violence ou fraude. » Il faut noter que c’est à l’époux qui invoque la violence ou la fraude de la prouver. Avant la loi de 2004, la Cour de cassation s’était déjà engagée dans cette voix en assimilant les journaux intimes aux lettres missives. Dans un arrêt de la 2e Chambre civile du 6 mai 1999, la Cour de cassation a admis la preuve de la faute par la production du journal intime.
On peut s’interroger sur la compatibilité de l’article 259-1 avec l’article 8 de la CESDH qui garantit le respect de la vie privée. La jurisprudence de la CEDH n’admet d’ingérence dans la vie privée qu’à trois conditions cumulatives : l’atteinte doit être prévue par la loi, son but doit être légitime et elle doit être proportionnée au but recherché. Ce dernier critère est souvent celui qui sert à la CEDH à caractériser l’atteinte et donc à la refuser. Dans un arrêt de la CEDH du 10 octobre 2006, la France a été condamnée car le juge avait admis la divulgation du compte-rendu opératoire qui faisait état de l’alcoolisme d’un époux invoqué comme faute pour le divorce (il faut néanmoins noter que les faits étaient antérieurs à la loi de 2004).
Les témoignages sont souvent utilisés dans le cadre de la preuve de la faute mais l’article 259 dispose que « les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux. » Autrement dit, les enfants ne peuvent jamais témoigner dans le cadre du divorce en ce qui concerne les griefs invoqués. Ils peuvent seulement être entendus pour les faits qui les concernent. L’interdiction d’entendre les enfants concerne tant les causes de divorce que ses conséquences patrimoniales pour les époux. L’interdiction est d’ordre public et elle concerne tous les enfants, qu’ils soient communs aux conjoints ou issus d’un seul des époux. Elle s’applique mêmes aux enfants majeurs ainsi qu’à leur conjoint et ce même s’ils sont divorcés. On veut ainsi éviter que le divorce ne serve de règlements de compte au sein de l’ex-famille. Le fait que l’interdiction pèse également sur les conjoints desdits enfants est une extension jurisprudentielle qui a été critiquée comme étant attentatoire aux effets du divorce.
Les rapports émanant d’éventuels détectives privés sont considérés comme des témoignages. Le juge est libre d’apprécier ou non le caractère utile de cette preuve.
Le constat d’huissier est aussi admis pour constater l’adultère ou les violences entre époux mais son établissement doit se faire dans le respect de la vie privée sans quoi il sera écarté des débats. S’il est fait en dehors de la résidence commune, le constat devra être autorisé par le juge.
Enfin, le recours à la preuve biologique a un statut particulier. Dans un arrêt du 28 février 2006 de la 1ère Chambre civile, la Cour de cassation a admis la recevabilité de la preuve biologique même en dehors de l’action relative à la filiation. En l’espèce, un père médecin avait découvert, à l’occasion de l’opération de l’appendicite de son fils, que ce dernier n’était en fait pas de lui. L’époux avait alors demandé le divorce pour faute et la question était de savoir si le document qui avait révélé le groupe sanguin de son fils pouvait être produit. De même, l’époux voulait vérifier ce qu’il en était pour ses autres enfants. En 1ère instance, le tribunal avait rejeté la preuve au motif que l’action intentée n’était pas relative à la filiation dont le délai était d’ailleurs écoulé. La CA avait infirmé cette décision, ce qui avait été confirmé par la Cour de cassation qui a rappelé qu’en matière de divorce la preuve se fait par tout moyen. En l’occurrence la preuve n’avait pas été obtenue de manière frauduleuse elle devait donc être admise.
La décision judiciaire prononçant le divorce ne peut intervenir que dans les cas limitativement prévus par la loi à l’article 229 du Code civil.
Avant 1975, seul le divorce pour faute était admis. Cela aboutissait à des situations complètement absurdes où les époux fabriquaient des preuves de faute car c’était leur seul moyen de divorcer. En 1975, la loi a donc introduit le divorce par consentement mutuel, le divorce sur demande acceptée et le divorce pour rupture de la vie commune. En 2004, le divorce pour faute continuait de constituer près de la moitié des demandes. La législation était imparfaite puisque certains cas de divorce n’étaient pas du tout utilisés, notamment parce qu’ils étaient trop compliqués à mettre en œuvre. Le divorce pour rupture de la vie commune, par exemple, n’était utilisé que pour 1 ou 2% des cas ce qui prouve qu’il ne répondait pas à un besoin. De plus, le divorce pour faute tel qu’il était formulé par la loi de 1975 favorisait trop les conflits ce qui étaient préjudiciables aux intérêts des époux et des enfants. En 2001, une proposition visait à supprimer le divorce pour faute de façon à limiter les conflits. L’idée était d’introduire un divorce « constat d’échec. » Cette proposition a été abandonnée par le législateur de 2004 qui a maintenu la pluralité des cas de divorce mais avec pour objectif de faire reculer le nombre de divorce pour faute. On a remplacé le divorce pour rupture de la vie commune par un divorce pour altération définitive du lien conjugal. Le divorce sur demande acceptée est devenu le divorce accepté. Et on a maintenu le divorce sur requête conjointe en simplifiant un peu la procédure.
§1 – Le divorce pour faute
Le divorce pour faute est régit par les articles 242 à 246 du Code civil. Le droit positif ne considère la faute que comme une cause facultative de divorce, il n’existe plus aucune faute constitutive d’une cause péremptoire. La dernière cause péremptoire de divorce était la condamnation criminelle, mais elle a été supprimée par la loi de 2004. La faute est donc laissée à l’appréciation du juge et le simple constat de faute n’entraîne pas nécessairement le divorce.
A – La notion de faute
L’article 242 du Code civil définit la faute comme un manquement aux devoirs et obligations nés du mariage. Ce manquement doit, de plus, être imputable à l’autre époux. Enfin il faut que ce fait soit constitutif d’une violation grave ou renouvelée et il doit rendre le maintien de la vie commune intolérable. La réforme de 2004 a quelque peu changé la formulation de l’article mais cela n’entraîne aucune modification de son fond.
L’imputabilité signifie que l’époux auteur de la faute doit avoir été conscient et libre d’agir.
La faute peut concerner un manquement à un devoir du mariage expressément visé par les textes (fidélité, cohabitation, etc.) mais ça peut aussi concerner un devoir que la loi ne cite pas expressément mais sans lequel le mariage n’aurait pas de sens. C’était par exemple le cas du devoir de respect avant qu’il soit inséré à l’article 212 par la loi de 2006.
Le manquement seul n’est pas suffisant, il doit cumulativement être grave ou renouvelé. De plus il doit rendre intolérable le maintien de la vie commune. On notera que cette dernière condition est très subjective, d’où la nécessité d’autres critères.
La caractérisation de la faute relève de l’appréciation souveraine du juge de fond. La Cour de cassation n’intervient pas sur l’étude des faits mais elle vérifie que les juges du fond ont effectivement caractérisé une faute.
Les fautes commises au cours de la procédure ont suscité des interrogations. Par hypothèse elles ne peuvent pas répondre à tous les critères de l’article 242 ne serait-ce que parce qu’il n’y a déjà plus de vie commune, celle-ci ne peut donc pas être rendue intolérable par une faute en cours d’instance. Cependant, la jurisprudence considère que tant que le mariage n’est pas dissous, les obligations nées du mariage sont maintenues, ainsi un manquement en cours d’instance constitue une violation aux devoirs du mariage. Néanmoins le juge pourra relativiser le caractère fautif du manquement.
B – Les moyens de défense
L’époux défendeur peut soit s’opposer à la demande en divorce en contestant les faits qui lui sont reprochés ou en invoquant une fin de non recevoir soit riposter en invoquant à son tour les fautes qu’auraient commises le demandeur.
1 – La réconciliation
L’article 244 du Code civil dispose que « La réconciliation des époux intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de divorce.
Le juge déclare alors la demande irrecevable. Une nouvelle demande peut cependant être formée en raison de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation, les faits anciens pouvant alors être rappelés à l’appui de cette nouvelle demande.
Le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s’ils ne résultent que de la nécessité ou d’un effort de conciliation ou des besoins de l’éducation des enfants ».
La réconciliation des époux a donc l’effet juridique d’un pardon et efface ainsi les fautes du défendeur. Elle empêche donc d’invoquer ces fautes comme cause de divorce. L’aspect chronologique est important lorsqu’il existe plusieurs fautes.
Pour produire ses effets, la réconciliation doit répondre à un élément matériel, la reprise de la vie commune, ainsi qu’à un élément psychologique qui est la volonté de pardonner. De plus, la reprise de la vie commune ne saurait être considérée comme l’élément matériel constitutif de la réconciliation si elle résulte de la nécessité.
Si des fautes devaient être commises après la réconciliation, une nouvelle demande en divorce pourrait être formée sans difficulté.
2 – Les fautes du demandeur
Le défendeur peut riposter à la demande en divorce formé contre lui en invoquant les fautes commises par le demandeur :
- Soit pour excuser ses fautes et s’opposer à la demande en divorce ;
- Soit pour que le divorce soit prononcé aux torts partagés.
La première hypothèse est visée à l’article 245 al.1 : « Les fautes de l’époux qui a pris l’initiative du divorce n’empêchent pas d’examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu’il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce. » Par exemple si un mari trompe régulièrement sa femme mais demande le divorce pour faute en apprenant qu’elle lui a également été infidèle, on pourra considérer la demande infondée. Cependant, il faut noter que les fautes du demandeur n’excluent pas forcément celles du défendeur et, le plus souvent, il n’y aura pas ce rapport d’excuse.
La seconde hypothèse est prévue par l’article 245 al.2 : « Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l’autre époux à l’appui d'une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés. » Une demande reconventionnelle se caractérise par le fait qu’elle émane du défendeur. Dans ce cas, le défendeur ne s’oppose pas au divorce mais il va, à son tour, émettre dune prétention. Le juge est alors saisi des deux demandes en divorce pour faute. Le plus souvent, ce type de figure donnera lieu au prononcé d’un divorce aux torts partagés.
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§2 – Le divorce par consentement mutuel
Le divorce par consentement mutuel est régi par les articles 230 à 232 et par les articles 250 à 250-3 en ce qui concerne la procédure.
La loi de 1975 prévoyait deux types de divorce par consentement mutuel : le divorce sur requête conjointe et le divorce sur demande acceptée. Depuis 2004, le seul divorce par consentement mutuel est l’équivalent de l’ancien divorce sur requête conjointe. Ce divorce représente près de 40% des demandes. L’idée générale est que les époux doivent être d’accord à la fois sur le principe du divorce mais aussi sur ses conséquences. Le rôle du juge est donc amoindri par rapport aux divorces contentieux, néanmoins ce dernier devra vérifier de la réalité du consentement et du caractère équitable de la convention des époux. Il devra ensuite homologuer la convention de divorce.
Les conditions nécessaires au divorce pour faute sont peu nombreuses. La loi de 1975 exigeait que le mariage ait au moins six mois d’existence mais cette condition a été supprimée en 2004. La seule véritable condition qui subsiste est la capacité des époux. La loi n’exige aucune cause objective pour admettre ce type de divorce, c’est à dire qu’on ne demande pas aux époux d’expliquer pourquoi ils veulent divorcer, du moment qu’ils sont d’accord pour le faire.
La loi de 1975 organisait deux périodes dans la procédure de divorce : les époux devaient d’abord déposer une requête initiale, puis la demande devait être réitérée. En attendant la réitération, les époux devaient élaborer une convention temporaire fixant les effets provisoires. Ce n’est qu’au moment de la réitération qu’ils proposaient une convention définitive au juge. L’idée de cette double période était de laisser le temps aux époux de se réconcilier. Dans les faits, cela aboutissait à plus de conflits car les époux avaient tout le temps de ne plus être d’accord sur les conséquences de leur divorce.
Le nouvel article 250-1, résultant de la loi de 2004, instaure désormais une audience unique. Le juge constate l’accord des époux, homologue la convention et prononce le divorce. L’article 250 prévoit que la demande en divorce doit être présentée par les avocats des parties qui peuvent également décider de n’avoir qu’un avocat commun. La requête en divorce doit impérativement être accompagnée de la convention dans laquelle les époux règlent les effets du divorce et présentent un état liquidatif du régime matrimonial. Tout doit être prêt lorsque les époux voient le juge.
Le juge va ensuite voir chacun des époux séparément à propos de la convention, notamment pour vérifier leur consentement, puis les époux sont réunis et on appelle les avocats. Après avoir vérifié que les intérêts des époux et des enfants ne sont pas malmenés, le juge homologue la convention et prononce le divorce.
Si une clause ne semble pas respecter certains intérêts, le juge a le pouvoir de la faire modifier ou supprimer. L’article 1099 al.2 du NCPC dispose que « Avec l’accord des parties, en présence du ou des avocats, le juge peut faire supprimer ou modifier les clauses de la convention qui lui paraîtraient contraires à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux. » Ce changement ne peut toutefois concerner que des modifications mineures. Si la modification devait bouleverser la convention, donc les faits sur lesquels les parties s’étaient mises d’accord, le juge peut refuser l’homologation. Dans ce cas, les époux disposent d’un délai de 6 mois maximum (article 250-2) pour présenter une nouvelle convention qui tient compte des recommandations du juge. A défaut de nouvelles conventions ou si celle-ci était à nouveau refusée, la demande serait considérée comme caduque (article 250-3).
On peut noter que mis à part les cas de refus d’homologation, la question des mesures provisoires ne se pose pas dans ce type de divorce car la procédure est assez rapide.
La convention homologuée par le juge est à la fois contractuelle et judiciaire c’est-à-dire que les parties ne pourront plus modifier leur convention sauf à la soumettre à une nouvelle homologation du juge.
La loi d’avril 2004 a tenté de régler autant que faire se peut le contentieux d’après divorce. Les parties peuvent insérer une clause de révision, par laquelle ils pourront notamment modifier le montant de la prestation compensatoire. La question de la force de cette convention homologuée a donné lieu à un très important contentieux. Puisque cette convention prévoit toutes les conditions du divorce, il est évident que les dispositions relatives à l’autorité parentale pourront faire l’objet d’une révision ; et le juge pourra procéder à cette révision (article 373-2-13 C civil).
En ce qui concerne la nullité de la convention, la jurisprudence n’admet pas l’action en nullité de ladite convention (nature contractuelle partielle, puisque l’action en nullité, notamment pour vice du consentement, n’est pas invocable), que ce soit pour vice de consentement ou pour lésion. Il faut noter également qu’aucune voie de recours n’est envisageable après homologation de la convention par le juge.
En revanche, si le juge refuse d’homologuer la convention, cette décision peut donner lieu à toutes les voies de recours classiques.
§3 – Le divorce accepté
Articles 233 et 234 du code civil. Il s'agit d’une figure particulière née de la loi de 1975. Il s'agit d’un cas intermédiaire entre le divorce par consentement mutuel et le divorce pour « raisons objectives » (il s'agit du divorce à l’opposé du divorce pour faute, celui qui permet de divorcer sans que l’on constate une faute).
Ce qui le caractérise est que les époux sont d’accord sur le principe du divorce (point commun avec divorce par consentement mutuel) ; en revanche, ils ne sont pas d’accord sur les conséquences du divorce.
Loi d’avril 2004 :
- L’acceptation du principe du divorce devant le juge est définitive et ne peut être rétractée, même par la voie de l’appel.
- L’acceptation par les époux du principe du divorce se fait sans considération des faits qui sont à l’origine de la rupture.
On dit que c’est un « divorce faillite ».
A – Le double aveu
Cette procédure débute par une demande formée par l’un des époux, accompagnée d’un mémoire dans lequel il tente de décrire la vie conjugale de manière objective sans incriminer l’autre conjoint. Ce mémoire est communiqué à l’autre époux, qui peut rejeter ou accepter le divorce.
Le juge reçoit alors les deux époux pour constater leur accord et la réalité de leur consentement à ce divorce.
Il constate l’échec du mariage et rend une ordonnance qui fixe les mesures provisoires. Le juge autorise alors chaque conjoint à agir envers son conjoint pour lancer l’affaire contentieuse et permet de délibérer sur les biens.
Avant 2004, le divorce était prononcé par le juge aux affaires familiales suite au constat d’échec du mariage. Cependant, le décret de 2004 dira que le jugement de divorce ne sera effectif qu’après jugement réglant les conséquences du divorce.
Dans deux arrêts de 1984 et 1987, la Cour de Cassation a affirmé que le consentement des époux au principe du divorce pourrait être retiré tant que l’ordonnance du JAF n’était pas définitive.
La loi de 2004 affirme par le biais de l’article 233 al. 2 que l’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par voie d’appel.
B – La phase contentieuse
Cette phase a pour but de faire régler par le juge les conséquences du divorce par une décision qui va s’imposer aux époux.
La phase contentieuse commence par l’assignation. Le jugement rendu sur les conséquences sera susceptible de voies de recours. Les conséquences seront prononcées par le juge à la manière du divorce aux torts partagés.
§4 – Le divorce pour altération définitive du lien conjugal
Il succède au divorce pour rupture de la vie commune mis en place en 1975, mais s’en distingue tout de même. L’acceptation du divorce pour rupture de la vie commune avait suscité d’importantes controverses, certains lui reprochant d’être un divorce unilatéral, pour répudiation. Au départ il s’agissait d’une rupture « prolongée » de la vie commune.
Ce divorce pouvait être prononcé après six ans de séparation de fait, ainsi que pour l’altération grave des facultés mentales de l’autre conjoint (là encore depuis plus de six ans.) L’époux demandeur devait supporter l’ensemble des conséquences matérielles du divorce. C’est pourquoi il a très peu été utilisé, cela représentant environ 1% des cas de divorce.
Actuellement, l’adoption d’altération du lien conjugal ne reconnaît plus que l’altération de la communauté de vie. La durée de la séparation a été ramenée à deux ans, il est apprécié au moment de l’assignation, et non pas au moment de la requête initiale.
La jurisprudence antérieure peut être évoquée pour savoir s’il faut un élément intentionnel à coté de l’absence de cohabitation (élément matériel.) La jurisprudence est souple, il y a séparation à chaque fois que la cessation de la communauté de vie est constatée, soit pour des raisons matérielles, soit pour des raisons affectives, quelle que soit la cause.
L’altération du lien conjugal doit avoir duré deux ans tout de même, ladite altération devant être ininterrompue.
Si les époux se réconcilient, il y aura reprise de la vie commune. En revanche, si la reprise de la vie commune est temporaire et se base sur des raisons autres que la réelle intention (pour motifs financiers par exemple), on peut imaginer qu’il y aura toujours séparation.
La loi de 2004 a supprimé également la clause de dureté de 1975 (protection du défendeur), qui permettait au défendeur au divorce de s’y opposer si ce divorce devait avoir pour lui ou les enfants des conséquences d’une exceptionnelle dureté.
Il s’agit là encore d’un divorce faillite, divorce constat d’échec.
Il est possible qu’une demande en divorce pour faute soit suivie par l’époux défendeur d’une demande reconventionnelle pour l’altération définitive du lien conjugal. C’est l’article 238 du code civil. Lorsqu’une demande principale est fondée sur la faute, il est possible au défendeur de demander reconventionnellement le divorce pour altération définitive du lien conjugal. Même si les deux ans de rupture ne sont pas constatés, il sera tout de même possible de d’obtenir le divorce pour altération définitive du lien conjugal, la demande en divorce pour faute suffisant à elle seule à justifier l’altération invoquée.
L’effet principal est la dissolution du mariage, pour l’avenir. Il entraîne des rapports entre les époux, dans les relations avec leurs enfants, mais aussi une relation entre les époux et les tiers.
La loi de 2002 sur l’autorité parentale a affirmé que la situation des parents n’a pas d’influence sur la situation des enfants et l’autorité parentale, c’est pourquoi nous étudierons les effets à l’égard des enfants dans la section relative aux enfants.
§1 – Les effets personnels du divorce
Les conséquences personnelles vont se produire à la date à laquelle le jugement du divorce devient définitif. C'est-à-dire le jour où aucune voie de recours ne peut plus être exercée à l’encontre du jugement. La loi de 2004 n’a pas apporté de grande modification. Les effets personnels sont dirigés par une double idée : le divorce fait disparaître le lien matrimonial et ses conséquences, en laissant tout de même certaines « séquelles ».
A – La disparition du lien matrimonial
Les époux redeviennent célibataires, chacun peut alors se remarier ou se pacser. Des réserves avant 2004 concernaient la femme, qui devait observer un délai de viduité (qui avait pour objet d’empêcher l’ex-femme de se remarier avant un délai de 300 jours, c'est-à-dire la période légale de conception, afin d’éviter les hésitations sur la possible paternité post-mariage).
La loi d’avril 2004 a supprimé cela pour des raisons d’égalité.
Les devoirs du mariage vont disparaître au prononcé du divorce. La procédure de divorce ne faisait que disparaître le devoir de cohabitation (ordonnance de non-conciliation), mais en principe l’obligation de fidélité perdure jusqu’à l’aboutissement de la procédure.
B – Les séquelles personnelles du mariage
L’une des séquelles connues concerne le nom. Le principe est que chacun reprend l’usage de son nom, mais lorsque la femme a porté le nom du mari, elle peut en garder l’usage après divorce avec autorisation de son ex-mari (qui peut retirer son autorisation à tout moment), et en cas de désaccord du mari elle peut obtenir ce droit par autorisation du juge si elle prouve qu’elle a un intérêt particulier ou que cela revêt une importance particulière en ce qui concerne les enfants issus du mariage.
L’intérêt particulier peut être celui de l’exercice d’une profession.
Il faut également mentionner la question des empêchements à mariage tirés des liens d’alliance (fait qu’on ne puisse épouser les alliés) ; les empêchements à mariage entre ex-alliés subsistent même après divorce. Il faut nécessairement la mort de la personne créant l’alliance.
§2 – Les conséquences patrimoniales
Multiples conséquences. Le divorce liquide le régime matrimonial, il s'agit de calculer les patrimoines propres des époux, tout autant que le patrimoine commun. Il faut liquider l’actif et le passif.
L’idée générale de la loi de 1975 en ce qui concerne les conséquences patrimoniales du divorce a été de détacher l’aménagement des effets pécuniaires du divorce de l’idée de sanction. Le but étant de rééquilibrer objectivement la situation de chacun des époux. Il s’était alors agit de ne pas condamner l’un des époux à l’entière responsabilité financière.
Lorsqu’un divorce était prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux, les sanctions financières étaient très lourdes, d’où l’aménagement de 1975.
La loi de 2004 a voulu aller plus loin dans cette idée de supprimer le lien entre sanction pécuniaire et caractère fautif des époux.
A – La liquidation du passé
Il s'agit de liquider le régime matrimonial, de régler le sort des donations faites entre époux et du logement familial.
S’agissant de la liquidation du régime matrimonial, c’est une opération qui s’impose notamment dans le cadre de la communauté, surtout dans le cadre de la communauté réduite aux acquêts (Rappelons qu’il y trois patrimoines alors, deux patrimoines propres, et un patrimoine commun.) Il va falloir ici partager la communauté à égalité, avec notamment le calcul des récompenses : si un patrimoine propre a financé quelque chose pour la communauté, la communauté devra récompenser le patrimoine propre ; et inversement.
Ce que n’est qu’après qu’on ait établi la masse partageable qu’on la répartira entre les époux.
S’agissant des donations entre époux, il faut savoir qu’elles étaient librement révocables si elles avaient fait durant le mariage, sauf si elles étaient inscrites dans le contrat de mariage (acte par lequel les époux choisissent un régime matrimonial pour ne pas être insérés dans le régime légal de la communauté réduite aux acquêts.)
La loi de 2004 a réintégré les donations faites entre les époux dans le droit commun, elles ne sont donc plus librement révocables. Elles sont révocables pour des causes déterminées. Il n’est plus possible de reprendre facilement ce que l’on a donné.
S’agissant du logement familial, le statut va être différent selon qu’il était loué ou qu’il appartenait à l’un des époux ou aux deux.
Si le logement était loué, ils étaient tous deux co-titulaires du bail. Le juge peut attribuer le droit au bail à l’un des époux, en fonction des intérêts en cause. En général il l’attribue à celui des deux époux qui réside avec les enfants, s’il y en a.
Si le logement appartenait aux deux époux, l’un d’eux peut en demander l’attribution préférentielle, plus facilement accordée si l’époux demandeur réside avec les enfants.
Si l’appartenant appartenait en propre à l’un des époux il le récupère. Cependant le juge peut décider l’attribution d’un droit de bail à l’un des époux.
Ces situations sont régies par l’article 285-1 du code civil qu’on appelle en général « bail forcé ».
La durée du bail peut être assez longue, ce bail forcé pouvant être accordé jusqu’à la majorité du plus jeune des enfants.
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B – L’aménagement de l’avenir
La loi de 2004 a apporté d’importantes modifications. L’idée était de compenser les différences matérielles tirées du divorce.
Avant 1975 ces compensations prenaient la forme de pensions alimentaires, qui prenaient la forme de versements périodiques et variables. Le problème était alors que la pension alimentaire prolongeait le contentieux après divorce.
La loi de 1975 a voulu modifier le système en remplaçant la pension alimentaire par la prestation compensatoire. L’idée est que pour éviter le contentieux il fallait éviter le versement mensuel, le versement sous forme de rente. Il fallait donc faciliter le versement en capital.
En général les gens ne disposaient pas d’assez d’argent pour verser l’ensemble de la somme en capital, était alors décidé le versement périodique…et l’on revenait au problème initial.
La prestation compensatoire a été réformée par la loi du 30 juin 2000 afin de revenir à l’idée du versement de la prestation compensatoire de façon définitive, la rente étant maintenue, mais seulement de manière très exceptionnelle.
La Cour de Cassation, dans deux arrêts du 13 décembre 2001, a censuré des appels qui avaient prononcé des rentes sans justifier le caractère exceptionnel de ce versement.
La loi de 2004 tente d’aller plus loin.
1 – La prestation compensatoire
a) Les cas d’attribution
Elle est définie à l’article 270 du code civil comme étant destinée à « compenser autant que possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. » Son domaine d’application n’a plus aucune limite puisqu’elle peut depuis 2004 être attribuée dans tous les cas de divorce, y compris dans les cas de divorce pour faute prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux. Avant cela elle était exclue dans le cadre du divorce pour rupture de la vie commune, et dans le cadre d’un divorce pour faute prononcé aux torts exclusifs.
Dès lors, il est possible d’obtenir une prestation compensatoire alors que l’on demande le divorce pour altération définitive du lien conjugal, cela vaut aussi pour le divorce prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux.
L’article 270 permet au juge de refuser l’allocation d’une prestation compensatoire si l’équité le commande (l’esprit de la loi de 2004 est d’élargir les conditions d’octroi, il ne serait donc pas normal de refuser l’allocation de la prestation compensatoire car l’on jugerait la personne trop fautive, se basant sur la loi d’avant 2004).
b) Le mode de fixation de cette prestation compensatoire
Elle est là pour compenser la disparité de niveau de vie causée par le divorce. La loi prévoit donc que la prestation compensatoire est fixée en fonction des besoins de l’époux auquel elle est versée. Cela a donc un aspect alimentaire. A chaque fois que l’on parle d’obligation alimentaire on observe les besoins et les ressources de l’époux bénéficiaire.
Ce qui compte aujourd’hui est d’être dans un état différent de celui avant mariage (donc si appauvrissement entre ces deux moments, ou entre l’entrée en mariage et l’après mariage.) La prestation compensatoire n’est pas alimentaire car elle sera due en cas de disparité et en cas de besoin. C’est pour cela qu’on a dit qu’elle perdait son caractère alimentaire ; qui n’a tout de même pas disparu.
Il faut tenir compte de ce qui se passe au moment du divorce mais aussi prévoir l’évolution de la situation dans un avenir proche (l’époux devra-t-il changer de domicile, acheter une voiture… ?) L’article 271 apporte au juge des critères permettant au juge d’apprécier la situation et déterminer si l’allocation d’une prestation compensatoire est envisageable. Il pourra donc prendre en compte, coté créancier et débiteur, l’âge, l’état de santé, la durée du mariage (élément à prendre en compte puisque l’on pourra estimer le « choc » de disparité de niveaux de vie), le temps consacré et celui qu’il faudra consacrer aux enfants (si le créancier vit avec les enfants, il aura plus de besoins, inversement si c’est le débiteur il aura moins d’argent à allouer), l’état du marché du travail etc. Dans tous les cas les époux peuvent, s’ils sont d’accord, fixer le montant de la prestation compensatoire par une convention homologuée par le juge.
c) Les modalités de versement
La prestation compensatoire est en principe fixée sous forme de capital, pouvant être le versement d’une somme d’argent, soit l’octroi d’un bien. Lorsque le débiteur ne peut verser la somme en une seule fois, l’article 275 prévoit un échelonnement sur huit ans, et à titre très exceptionnel la possibilité d’une rente viagère. Le juge peut aussi combiner versement immédiat (d’une partie de la somme) et versement échelonné sur huit ans afin d’éviter le recours à la rente.
d) La révision de la prestation compensatoire
Sous l’empire de la loi de 1975 il était impossible de réviser la prestation compensatoire, même en cas de changement dans les besoins et ressource de l’une ou l’autre des parties. De la même manière le remariage de l’époux bénéficiaire de la prestation compensatoire ne permettait pas la révision de la prestation.
La seule possibilité de révision était liée à la gravité, ainsi si l’absence de révision entraînait des conséquences d’une exceptionnelle gravité, la révision serait admise. Le texte était interprété restrictivement par la jurisprudence et cela conduisait à des situations inacceptables, notamment le remariage du bénéficiaire avec quelqu’un aux revenus importants.
La loi du 30 juin 2000 autorise plus largement la révision, en laissant inchangé le principe. Le principe de l’interdiction est maintenu, cependant les possibilités de révision sont élargies.
La loi prévoit que le débiteur peut demander la révision des modalités de paiement en capital en cas de changement de sa situation. C’est le juge qui appréciera la nouvelle situation.
En ce qui concerne le versement sous forme de rente viagère, il sera possible de la réviser ou de la supprimer en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties ; cette révision ne pouvant porter la rente à un montant supérieur à celui fixé par le juge.
Il sera possible de réviser une prestation compensatoire décidée par convention mutuelle, si une clause de révision y a été insérée (article 279 al. 3.) Chaque époux pourra demander à l’autre le changement ; en cas de désaccord cette clause ne permettra pas de révision unilatérale. Le changement pourra alors être demandé au juge (car la convention est contractuelle et judiciaire.) L’avantage de la clause est que par rapport aux révisions judiciaires, il est possible de prévoir la révision à la hausse ou à la baisse et non pas seulement le changement des modalités de paiement.
N.B : il était possible de décider de payer plus durant deux ans, puis moins pendant quatre. Mais on ne pouvait modifier le montant global de la prestation.
e) L’intransmissibilité passive de la prestation compensatoire
Il s'agit d’un changement important de la prestation compensatoire. En cas de décès du débiteur de la prestation compensatoire, la charge de la prestation ne passe pas à ses héritiers. La prestation est donc intransmissible, même si les héritiers ont accepté la succession.
Au moment de liquider la succession on va tout de même prélever le montant dû, si la succession le permet.
2 – Les dommages et intérêts
Il est possible de demander des dommages et intérêts à l’autre. C’est l’article 266 du code civil qui le prévoit, ces dommages et intérêts pouvant être accordé à l’un des époux « en réparation des conséquences d’une particulière gravité subie du fait de la dissolution du mariage. » Cette possibilité existe aussi pour le défendeur en cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal. Il y aura la possibilité au profit de l’époux « innocent » au profit duquel un divorce aux torts exclusifs de l’autre a été prononcé, d’obtenir des dommages et intérêts.
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