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La filiation est le lien de droit qui unit un enfant à son père et à sa mère. On opère une distinction entre filiation maternelle et filiation paternelle. Cela apparaît comme très dépendant du fait biologique ; et c’est l’une des grandes questions du droit de la famille que de savoir si le lien de droit doit traduire fidèlement la vérité biologique, quand elle ne correspondrait pas à la vérité affective et sociologique.
L’enfant entre dans la famille de son auteur. Ce droit de filiation a été réformé à deux reprises en droit contemporain. Une première réforme a eu lieu en 1972, et une seconde réforme a été opérée par ordonnance le 4 juillet 2005. Le régime de cette nouvelle réforme est entré en vigueur en juillet 2006.
Cette ordonnance peut être complétée par un décret du 1er juin 2006 (décret d’application relatif au livret de famille et à la procédure en matière de filiation), par un arrêté du 1er juin 2006 qui a fixé le modèle du livret de famille, et par un arrêté du 27 juin 206 qui a modifié l’arrêté du 1er et par une circulaire de présentation de l’ordonnance.
Avant l’ordonnance de 2005 on distinguait entre filiation légitime (parents mariés au jour de sa naissance ou même de sa conception) et filiation naturelle qui reliait un enfant à son père et à sa mère mais sans que ceux-ci soient mariés au jour de la naissance. On pouvait aussi trouver la filiation adoptive, qui contrairement aux deux précédentes résulte d’un acte de volonté (le droit va établir fictivement un rapport de parents à enfant).
Dans le cadre de la filiation légitime, il était indivisiblement lié à son père et à sa mère. Cela s’explique par le lien du mariage. En revanche, la filiation naturelle était divisible, il fallait alors établir les liens de filiation maternelle et paternelle.
Il faut aussi noter l’existence de techniques de procréation artificielle. Le progrès des techniques scientifiques a eu un effet important sur la détermination de la filiation.
Jusqu’en 2005 les effets de la filiation tendaient à être uniformisés, on distinguait encore enfant naturel et enfant légitime sur le plan de filiation, tandis que sur le terrain des effets on assistait à une uniformisation.
L’ordonnance de 2005 tente l’égalisation plus radicale entre les différents enfants en supprimant les notions de filiation légitime et filiation naturelle. On conserve tout de même une certaine distinction, comme on le verra par la suite. Les modes d’établissement de la filiation seront toujours différents, et les effets sont maintenant les mêmes.
Il existe toujours une distinction à l’égard des enfants incestueux puisque l’article 310-2 du code civil maintient l’interdiction d’établir le lien de filiation à l’égard des deux parents lorsqu’il est le fruit d’une relation incestueuse.
L’idée générale de la réforme se résume en deux mots : simplification et sécurisation.
La simplification résulte de ce que l’on a vu, ainsi que de l’unification des différentes actions relatives à la filiation.
La sécurisation du lien de filiation signifie que l’on va rendre un lien de filiation établi par la possession d’état incontestable plus rapidement qu’avant. On va tenter d’empêcher les conflits de filiation.
La filiation repose sur la procréation. La loi lui attache des effets juridiques : la filiation. C’est un fait juridique. Pour que la filiation devienne juridique et revête ce caractère de lien de droit, il faut qu’elle soit légalement établie, ce qui signifie « prouvé conformément à la loi ».
Cela va s’organiser autour de la nature du fait à prouver. La recherche de la vérité biologique va revêtir un rôle fondamental en droit de la filiation. Le droit français admet dans une assez large mesure que soient mis en œuvre les moyens offerts par la science à l’heure actuelle.
Les autres modes de preuve sont le titre et la possession d’État.
Dans une grande majorité de cas la preuve n’est pas contentieuse, on dit qu’elle est non contentieuse, ce qui veut dire que le droit de la filiation va laisser une place aux indices, aux présomptions, etc. L’ordonnance de 2005 a considérément augmenté la place accordée à la possession d’état, qui ne correspond pas nécessairement avec la vérité biologique (cette dernière n’est donc pas la seule admise par la loi)
Ces considérations sont tellement importantes qu’elles peuvent parfois interdire la reconnaissance de la vérité biologique.
La loi de 1972 avait inséré dans le code des dispositions communes aux filiations légitimes et naturelles.
§1 – Les principes introductifs
A – Le principe d’égalité des filiations
L’ordonnance du 4 juillet 2005 rappelle ce principe d’égalité entre les enfants dans le titre du code civil relatif à la filiation.
L’article 310 du code civil est placé avant même le chapitre premier. La loi de 1972 disposait déjà que l’enfant naturel avait les mêmes droits et devoirs envers ses parents que l’enfant légitime. En revanche, il existait une exception en ce qui concernait l’enfant adultérin. Cet enfant voyait ses droits diminués en matière successorale. La France avait alors été condamnée par la Cour EDH en 2000 dans l’arrêt Mazurek, la Cour jugeant discriminatoire cette règle du droit français. En 2001 cette distinction a donc été abrogée, ce qui fut réaffirmé par la suite avec la réforme de 2006.
La loi du 4 mars 2002 qui modifie l’autorité parentale a énoncé que tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leurs pères et mères. Cela est repris dans l’ordonnance de 2005.
B – Annonce des modes d’établissement de la filiation
L’article 310-1 du code civil énonce les différents modes d’établissement de la filiation. Elle peut être établie de façon non contentieuse (pas d’action en justice) soit par l’effet de la loi, soit par reconnaissance volontaire, soit par la possession d’état qui doit être constatée par un acte de notoriété. L’article 310-1 vise aussi les modes contentieux d’établissement de la filiation.
C – La prohibition de la filiation incestueuse
L’article 310-2 maintient de façon absolue la filiation incestueuse, qui peut être établie à l’égard de l’un des parents, mais pas des deux. Est aussi prohibée l’adoption simple d’un enfant incestueux par l’autre parent, ce qui consacre la position adoptée par la Cour de Cassation tirée d’un arrêt de 2004.
Le texte de l’article 310-2 ne parle plus d’enfant naturel, mais il est évident que cela ne peut concerner que les enfants nés hors-mariage, l’inceste constituant un empêchement à mariage.
L’inceste absolu interdit l’établissement de la filiation à l’égard des deux parents, c'est-à-dire quand il existe un empêchement à mariage tiré des articles 551 et 552 du code civil.
§2 - Les preuves et les présomptions relatives à la filiation
La présomption est un procédé technique destiné à faciliter la preuve d’un fait inconnu. C’est un procédé qui permet de tempérer une impossibilité probatoire. Il s'agit de déduire un fait inconnu à partir d’un fait connu.
En matière de filiation elles sont au nombre de deux. L’une est relative à la conception de l’enfant, qui permet de contourner la possibilité pratique de prouver la date de conception. La seconde est relative à la possession d’état, qui permet de faciliter la preuve du lien de filiation dans les cas où il n’existe pas de meilleure preuve.
A – La présomption relative à la conception de l’enfant
Il est très souvent important de connaître cette date, afin de réussir à identifier le père. L’article 311 al. 1er pose cette présomption en présumant que l’enfant a été conçu pendant la période qui s’étend entre le 300ème et le 180ème jour inclusivement avant la naissance. On parle de période légale de conception.
« La loi présume que l'enfant a été conçu pendant la période qui s'étend du 300ème au 180ème jour, inclusivement, avant la date de la naissance. La conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans l'intérêt de l'enfant. La preuve contraire est recevable pour combattre ces présomptions. »
L’enfant est présumé conçu durant cette période, sans autre détail particulier. Ces présomptions ne sont pas irréfragables, la preuve contraire peut donc être apportée. Il existe relativement peu de contentieux en l’espèce, les expertises biologiques permettant souvent de prouver cela.
B – La possession d’état
Il s'agit ici de jouir des avantages s’attachant à cet état, de supporter les tâches s’y attachant, et avoir l’apparence de cela. Ici il s'agit de posséder l’état d’enfant des parents, de passer publiquement pour avoir cette possession d’état. On vit conformément à cet état, que l’on en bénéficie juridiquement ou non.
Selon la loi, la possession d’état – situation de fait – va s’établir par une réunion suffisante de faits pouvant indiquer l’effectivité d’un rapport de filiation entre un enfant et le ou les parents au(x)quel(s) il dit être lié.
1 – La notion de possession d’état
L’article 311-1 du code civil indique la liste des principaux faits constituants cette notion de possession d’état. Les éléments constitutifs sont regroupés en trois éléments : le tractatus, la fama et le nomen.
Tractatus : le comportement des intéressés. Le fait pour les parents d’avoir traité l’enfant comme leur enfant et réciproquement.
Fama : la réputation. L’idée est ici que l’enfant dont il est question est considéré par la famille mais aussi par la société, l’autorité publique, comme l’enfant des intéressés. Elle acquiert une importance particulière lorsque les parents sont décédés dans le passé, lorsqu’il faut prouver la filiation dans les « procès de généalogie » (qui permettent ensuite la succession éventuelle).
Nomen : l’individu doit avoir porté le nom de ceux dont on dit qu’il est l’enfant. Dans la famille fondée sur le mariage, le plus souvent il s'agit du nom du père. Cependant, depuis 2002, est laissé le choix à l’enfant.
Ces trois éléments ne sont pas nécessairement réunis pour que l’on considère que la possession d’état est établie (éléments constitutifs mais pas consécutifs). Il suffit, comme le prévoit expressément le texte, qu’il existe une réunion suffisante de faits permettant d’établir cette possession d’état.
Dans un arrêt du 16 mars 1999 un homme avait intenté une action en nullité d’une reconnaissance volontaire qu’il avait souscrite quatorze ans plus tôt. En principe cela ne pouvait plus être intenté… Notamment parce que la reconnaissance avait été corroborée par une possession d’état ayant duré dix ans. Il s'agit de la sécurisation du lien de filiation dont on a déjà parlé.
En l’espèce la cour d'appel avait considéré qu’il n’y avait pas de possession d’état parce que l’un des éléments, la fama, faisait défaut. La Cour de Cassation avait condamné cet arrêt en considérant que le fait qu’il y ait une réunion de faits suffisants permettait d’établir la possession d’état.
Notons que la Cour de Cassation ne jugeant pas en fait, elle se fout de l’espèce. Elle énonce des principes généraux qu’il revient à la Cour d’appel d’examiner en l’espèce.
La loi prévoit qu’il est possible de prendre en considération des faits de possession d’état antérieurs à la naissance. L’ordonnance de 2005 consacre donc une règle jurisprudence antérieure. Un tractatus et une fama prénatale peuvent donc être dégagés.
2 – Les caractères de la possession d’état
En vertu de l’article 311-2 la possession d’état doit être continue, paisible, publique et non équivoque.
Il n’est pas nécessaire pour qu’il y ait une possession d’état continue qu’il y ait entre les parents et l’enfant une relation constante et permanente. Si l’un des parents exerce un droit de visite cela ne fera pas obstacle à ce qu’on constate la possession d’état. L’exigence de cette continuité implique néanmoins qu’elle ait une certaine durée.
Plus la possession d’état dure plus elle gagne en stabilité et continuité.
En revanche, cela n’implique pas nécessairement que la possession d’état remonte à la naissance. La jurisprudence a admis qu’il n’était pas nécessaire qu’elle existe au moment où on l’invoque.
Le nouveau texte de l’article 311-2 exige le caractère paisible, publique et non équivoque, caractéristiques concernant la possession en général, que l’on retrouve en droit des biens. Ces caractères avaient déjà été dégagés par la jurisprudence qui avait écarté des possessions d’état constituées par fraude ou par violence ; les tribunaux doivent également écarter les possessions contradictoires (deux pères…), la possession équivoque n’étant pas admise.
3 – La preuve de la possession d’état
La possession d’état doit être prouvée afin de servir à son tour de mode de preuve de la filiation.
Il résulte de l’article 310-3 et du fait que les articles 311-1 et 311-2 résultent de la section « Des preuves et des présomptions », que la possession d’état constitue effectivement une preuve de la filiation à titre de présomption. Les moyens de preuve de la possession d’état sont traités dans les chapitres II et III du titre relatif à la filiation.
Il est important de noter que la preuve de la possession d’état peut se faire par tout moyen. Cependant, la Cour de Cassation en contrôle la notion, ce qui veut dire qu’elle va vérifier que les juges du fond ont bien pris en considération qu’il existe un ensemble suffisant de faits parmi ceux qui sont énumérés à l’article 311.
La Cour de Cassation va également vérifier qu’il y a adéquation entre les éléments fournis et la situation vécue.
Enfin, depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005, la possession d’état, même si elle est établie, ne va pas suffire à elle-seule à établir la filiation ; même lorsqu’elle est prouvée, elle va devoir être constatée dans un acte de notoriété afin de pouvoir prouver la filiation. Cet acte n’était pas systématiquement réclamé avant 2005.
Si cette possession d’état est constituée elle va faire présumer le lien de filiation ; présomption qui peut supporter la preuve contraire, elle n’est donc pas irréfragable.
Cela suppose que l’on va étudier ici la possibilité d’établir la filiation en dehors d’une action en justice, ce qui sera généralement le cas.
Le chapitre deux du titre sept consacré à la filiation dénombre trois modes d’établissement de la filiation. Il s'agit de l’établissement par l’effet de la loi, par reconnaissance ou encore par possession d’état.
§1 – L’établissement de la filiation par l’effet de la loi
L’ordonnance du 4 juillet 2005 venue réformer le droit de la filiation consacre une solution traditionnelle.
A – La filiation maternelle : l’acte de naissance
Il s'agit ici d’une innovation relativement importante. En effet, traditionnellement, l’indication du nom de la mère dans l’acte de naissance de l’enfant d’une femme mariée suffisait à établir la filiation de cet enfant à l’égard de cette femme.
Par le jeu de la présomption de paternité, cette indication suffisait à déclencher la présomption de paternité du mari. La mention du nom de la mère suffisait à établir deux filiations.
S’agissant d’une femme non mariée, l’indication du nom de la mère sur l’acte de naissance de l’enfant naturel n’établissait pas la filiation de cet enfant à l’égard de sa mère, et encore moins à l’égard de son père.
C’est pourquoi il était nécessaire de reconnaître de façon expresse ledit enfant afin d’établir la filiation.
Une loi de 1972 avait adopté à cet égard une solution de compromis, on disait que l’acte de naissance qui portait l’application du nom de la mère valait reconnaissance à une condition : il fallait que cet acte soit corroboré par la possession d’état.
Le nouvel article 311-25 du code civil, issu de l’ordonnance du 4 juillet 2005, prévoit la solution. Il dispose que « la filiation est établie à l’égard de la mère par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance ».
Au plan logique cela semblait normal. De même, au plan humain il était difficile d’imposer à une femme non mariée d’aller reconnaître leur enfant. Enfin, dans de nombreux droits comparés la seule indication du nom de la mère suffisait déjà à établir la filiation.
La Cour EDH a pu condamner la Belgique dont la législation était semblable à la notre en matière d’enfant naturel, estimant que le respect de la vie familiale tel que proclamé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme impliquait la possibilité d’intégration de l’enfant dans sa famille dès sa naissance.
La mère d’un enfant peut déclarer un enfant sous le nom qu’elle souhaite, ce qui permet à l’enfant adultérin d’une femme mariée de voir sa filiation maternelle établie sans pour autant que l’on déclenche le jeu de la présomption de paternité du mari. Notons que la mention à l’état civil sur l’acte de naissance du nom de la mère n’est pas obligatoire en droit français, la mère pouvant en effet demander à accoucher sous X.
L’enfant né sous X n’aura pas l’établissement de la filiation maternelle.
B – La filiation paternelle : la présomption de paternité du mari
Il y a une différence traditionnelle entre ce qu’on appelait filiation naturelle et filiation légitime. Cela réside dans la présomption de paternité du mari. L’idée provient du respect qu’est censé être inspiré des obligations du mariage. La loi présume donc que tous les enfants nés d’une femme mariée sont les enfants du mari. Le mari n’a donc aucune démarche à effectuer afin de reconnaître l’enfant.
Rien de tel n’est consacré à l’égard des pères non mariés. Les concubins ne se doivent en effet pas fidélité. Cela implique que le père prétendu doit établir la filiation par d’autres modes d’établissement de la filiation.
La loi tire d’un fait connu (maternité d’une femme mariée) un fait inconnu (la paternité du mari).
Cette présomption est une présomption légale (établie par la loi), il s'agit maintenant d’en étudier l’étendue et la force.
a) L’étendue de la présomption de paternité du mari de la mère
Le principe pour déterminer quels enfants sont couverts par cette présomption est tiré de l’article 312 qui dispose que « l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ».
Un enfant qui naît dans les 179 premiers jours du mariage permet de dire qu’il a été conçu avant le mariage, c’est pourquoi il faut qu’il soit couvert malgré tout par l’article 312. Avant l’ordonnance du 4 juillet 2005, on distinguait entre ces deux situations. Les enfants nés pendant le mariage mais conçus avant se trouvaient dans une situation plus fragile que les enfants conçus pendant le mariage.
Il va falloir combiner cette présomption avec la présomption légale de la durée de conception, dès lors qu’il y aura combinaison entre ces deux présomptions cela suffira à établir que la présomption de paternité joue.
Si un enfant, après divorce ou décès du mari, est né dans les trois cents jours suivants la dissolution du mariage, alors la filiation à l’égard du père sera établie par le jeu de la filiation. Après ces trois cents jours cela n’est plus applicable.
b) La force de la présomption de paternité
Elle va pouvoir être écartée…et rétablie sur la constatation d’un certain nombre de faits.
La présomption de paternité du mari sera écartée lorsque l’enfant aura été conçu au cours d’une période de séparation légale (donc toujours durant le mariage).
Il s'agit des enfants conçus durant une procédure de divorce ou pendant une procédure de séparation de corps. L’article 313 vise en effet les enfants nés plus de trois cents jours après l’ordonnance de non-conciliation et moins de 180 après le rejet de la demande ou après la réconciliation, ceux-ci n’étant alors plus soumis à la présomption de paternité.
Pour le divorce, il faut distinguer deux hypothèses. S’il s’agit d’un divorce pour consentement mutuel la date à prendre en compte pour le calcul de la date de conception de l’enfant est l’ordonnance homologuant la convention de divorce, c'est-à-dire le jour du prononcé du divorce (mêmes impératifs que ci-dessus).
Curieusement le texte ne vise que l’homologation qui concerne une convention de divorce, mais pas une homologation d’une séparation de corps. Il suffit alors de raisonner par analogie. Dans le cadre de la séparation de corps les parents sont encore mariés, la présomption est alors écartée, bien que l’enfant soit véritablement né d’une femme mariée. En cas de divorce contentieux, le délai de trois cents jours pour calculer la date de conception va partir de l’ordonnance de non-conciliation, qui met fin à l’obligation de cohabitation des époux.
La présomption va être rétablie de plein droit si d’une part l’enfant a la possession d’état à l’égard de chacun des époux, et s’il n’a pas de filiation paternelle déjà établie à l’égard d’un tiers. Il faut qu’il y ait séparation légale et, cela est sous-entendu, que les parents se soient réconciliés. Avant l’ordonnance de 2005, la question de rétablissement de la présomption existait déjà, à la seule condition du constat de la possession d’état. Cela empêchait la reconnaissance par un tiers. Aujourd’hui on exige la condition de non-reconnaissance de la part d’un tiers. Dans l’hypothèse où l’enfant a été conçu pendant une période de présomption légale, le père de l’enfant reconnaît l’enfant, cette reconnaissance fera obstacle à ce que la présomption de paternité du mari de la mère soit rétablie. Il faudra alors contester la reconnaissance du tiers.
A priori l’officier d’état civil ne peut pas savoir que l’enfant est né durant le mariage, en période de séparation de corps ou d’instance de divorce, et ne peut donc pas appliquer la mention du nom du père qui serait l’amant sur l’acte d’état civil, celui-ci mentionnant le nom de la femme mariée. Il doit alors faire appel au procureur de la République et une période contentieuse s’en suit.
Enfant conçu au cours d’une période de séparation de fait :
L’article 314 du code civil prévoit que la présomption de paternité du mari est également écartée lorsque les enfants d’une femme mariée sont inscrits à l’état civil sans indication du nom du mari, et lorsque ces enfants n’ont la possession d’état qu’à l’égard de la mère. Si le mari de la mère peut établir la possession d’état, alors la présomption de paternité n’est pas écartée et il peut demander la modification de l’acte d’état civil. La présomption écartée ne pourra être rétablie qu’en justice ; en prouvant la filiation par tout moyen et en écartant s’il y a lieu la paternité déjà établie.
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§2 – L’établissement de la filiation par reconnaissance
L’article 316 précise le caractère subsidiaire de la reconnaissance qui réside dans l’idée que si la filiation n’est pas établie par l’effet de la loi (titre ou présomption de paternité), elle pourra l’être par reconnaissance. La reconnaissance reste possible pour une femme, mais est inutile de fait dans la mesure où l’indication de son nom dans l’acte de naissance suffit à prouver la filiation.
S’agissant de la filiation paternelle établie par reconnaissance, il s'agit d’un acte de volonté permettant à un homme de se reconnaître spontanément comme le père d’un enfant. Ce mode est totalement libre et facultatif pour celui qui en a la prérogative, aucune obligation de reconnaissance ne pèse sur le père d’un enfant né hors-mariage. De même, la mère n’a pas d’obligation (accouchement sous X).
A – Les conditions de cette reconnaissance
a) Les reconnaissances prénatales ou postnatales
Une reconnaissance prénatale peut-elle être admise et produire des effets ?
Elle a toujours été admise aussi bien par la doctrine, la jurisprudence et la pratique de l’état civil. L’ordonnance du 4 juillet 2005 consacre cette solution.
L’article 316 du code civil prévoit la possibilité de reconnaissance pré et postnatale. S’agissant des reconnaissances prénatales, il n’est pas possible de reconnaître à l’avance un enfant qui n’est pas conçu… Par ailleurs, l’officier d’état civil n’est pas en droit de demander un certificat de grossesse.
Ces reconnaissances prénatales sont importantes, elles peuvent éviter de créer des conflits de filiation. Il existe par exemple des enfants nés sous X dont la filiation paternelle est établie par reconnaissance prénatale.
La logique voudrait que l’on accorde juridiquement cette filiation paternelle .Cependant, il peut être compliqué de localiser l’enfant quand il est né sous X. l’enfant peut alors être adopté car le père ne parvient pas à retrouver l’enfant. Certains arrêts ont ainsi dénié la paternité établie prénatalement lorsque l’enfant avait été adopté entre temps.
Affaire du « petit Benjamin », 7 avril 2006 : La Cour de Cassation a donné gain de cause au père qui avait reconnu prénatalement l’enfant car le processus d’adoption n’avait pas été à son terme. L’enfant est resté dans sa famille d’accueil avec un droit de visite accordé au père naturel dont la filiation avait été juridiquement établie.
b) Les conditions de forme de la reconnaissance
La reconnaissance est un acte solennel devant être fait par n’importe quel acte authentique (pas de nécessaire passage devant le notaire.) Cette reconnaissance peut résulter d’une déclaration devant l’officier d’état civil, d’un passage devant notaire ou d’un aveu judiciaire.
Cette déclaration devant l’officier d’état civil peut être effectuée lors de la naissance, avant la naissance et postérieurement à la naissance. Elle ne doit pas nécessairement être faite devant l’officier d’état civil du lieu de la naissance. Elle sera ensuite mentionnée sur l’acte de naissance de l’enfant. En pratique ces règles font qu’un même enfant peut faire l’objet de deux reconnaissances en deux lieux différents (deux ou trois pères potentiels peuvent faire leur reconnaissance…), il y aura alors un conflit de filiation qui sera résolu par le biais d’un critère chronologique.
c) Les conditions de fond de la reconnaissance
La reconnaissance d’un enfant est un acte unilatéral de volonté. La volonté est un critère nécessaire et suffisant. La reconnaissance est un acte personnel à celui qui en est l’auteur. C’est un acte individuel, le parent qui reconnaît l’enfant n’a pas besoin du consentement de l’autre parent… il n’y a pas non plus besoin de la reconnaissance de l’enfant…
Cette volonté doit être libre et consciente. Une reconnaissance va pouvoir être annulée en cas d’absence totale de volonté si l’on considère qu’il y a une altération telle des facultés mentales que l’acte doit être annulé. On pourra aussi annuler la reconnaissance pour vice de consentement, en général sur le fondement de l’erreur.
Le mari dont le nom ne figure pas en qualité de père sur l’acte de naissance (présomption de paternité écartée) peut-il établir sa paternité par le biais d’une reconnaissance ?
Traditionnellement la réponse à cette question était négative. Un arrêt de 1994 venait consacrer cela. Pour obtenir un rétablissement de la présomption de paternité il fallait une action en justice.
La rédaction actuelle de l’article 316 du code civil laisse à penser autre chose puisque lorsque la filiation n’est pas établie par la loi elle peut l’être par une reconnaissance. Néanmoins, il faut envisager les conséquences d’une telle solution. Elles semblent peu souhaitables dans la mesure où cela pourrait constituer un moyen de fraude, notamment pour contourner l’interdiction des mères porteuses, une fraude à l’adoption.
Les auteurs ont proposé que ce texte soit donc interprété restrictivement.
B – Les effets de la reconnaissance
Elle se caractérise par sa rétroactivité et son irrévocabilité.
a) La rétroactivité de la reconnaissance
On dit que la reconnaissance est un acte déclaratif, qui ne vient que déclarer un acte qui existait déjà, d’où la rétroactivité. Cela signifie qu’elle établit le lien de filiation à compter de la conception de l’enfant. Lorsqu’il y a reconnaissance prénatale de l’enfant d’une femme mariée par l’amant, la filiation paternelle de l’enfant a été établie avant la naissance ce qui va empêcher la présomption de paternité. Afin de la rétablir le mari devra donc contester la reconnaissance faite par l’amant. Le plus souvent, l’officier d’état civil n’est pas informé de la reconnaissance prénatale et enregistre le nom de la mère et de son mari, l’acte d’état civil établit alors une filiation contradictoire.
En vertu de l’article 320 du code civil et du principe chronologique c’est la première filiation qui vaut, le mari devra alors contester la filiation première.
Si, à l’inverse, l’officier d’état civil est au courant de la reconnaissance prénatale qui a été faite, il devrait refuser d’inscrire l’enfant né sous le nom du mari de la mère. Cependant, on pense que cette décision parait excéder ses compétences, il serait alors plus logique de laisser l’officier d’état civil enregistrer la naissance de l’enfant comme étant l’enfant du mari de la mère, quitte à contacter le procureur de la république par la suite.
b) L’irrévocabilité de la reconnaissance
L’auteur ne peut revenir sur sa reconnaissance. C’est un acte de volonté, mais la seule volonté ne permet pas de révoquer cette reconnaissance. Il lui sera possible de contester la vérité de cette reconnaissance en justice, et il devra prouver qu’il n’est pas le père biologique de l’enfant.
§3 – L’établissement de la filiation par la possession d’état
Il s'agissait traditionnellement d’un mode extrajudiciaire d’établissement de la filiation, mais aussi un mode subsidiaire d’établissement de la filiation légitime lorsque le titre de naissance d’enfant légitime faisait défaut. Ce mode de preuve a été étendu à la filiation naturelle par la loi de 1972. Elle a autorisé comme mode de preuve de la possession d’état l’acte de notoriété délivré par le juge.
Depuis une loi de 1982, la possession d’état est devenue un mode autonome (et pas seulement subsidiaire) d’établissement de la filiation naturelle, qu’elle soit paternelle ou maternelle.
Quand la possession d’état était constatée par un acte de notoriété, cela pouvait être constaté en marge de l’acte de naissance. Cet acte de notoriété n’était cependant pas une obligation, la preuve se faisait par tout moyen.
L’ordonnance du 4 juillet 2005 n’a pas modifié la notion de possession d’état. En revanche, elle a accentué le formalisme lié à cette possession d’état dans le but de sécuriser le lien de filiation. Cette possession d’état, pour être prise en compte, doit être constatée par un acte de notoriété délivré par un juge ou par un jugement de constatation de possession d’état (ces deux choses étant différentes.) Elle pourra alors produire ses effets à l’égard de la filiation.
Cela a été critiqué dans la mesure où l’acte de notoriété est facilement obtenu, cette ordonnance lui donne donc un poids énorme par rapport à son caractère.
Cet acte de notoriété est délivré par le juge des tutelles sur la déclaration de trois témoins.
La délivrance d’un acte de notoriété ne peut être demandée que dans le délai de cinq ans à compter de la cessation de la possession d’état alléguée.
La possession d’état constitue une présomption légale. Elle va faire présumer la filiation. Il s'agit d’une présomption simple, il est donc possible de la contester en justice pour tout intéressé qui contesterait la possession d’état (pas équivoque, pas continue, pas paisible.) On peut aussi contester la filiation présumée par la possession d’état en prouvant qu’elle ne correspond pas à la réalité biologique (prouver que l’on est le père).
Les possédants de l’état peuvent avoir intérêt à faire constater en justice l’existence de la possession d’état.
Code Civil 1e, mai 2000 : la présomption attachée à la possession d’état est jugée irréfragable lorsque le délai pendant lequel la filiation peut être contestée est écoulée.
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